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Rencontre avec Alexandre Desplat, après la projection de De battre mon coeur s'est arrêté





Voici quelques clichés de la rencontre avec Alexandre Desplat, à l’issue de la projection du film de Jacques Audiard, De battre mon cœur s’est arrêté. Ces photos ont été réalisées par Steve Murez.

Franco-Américain né à Los Angeles, Steve Murez, après de nombreux voyages en France dès son adolescence, s’installe définitivement à Paris en 1972. Formé au cinéma dans les universités de Berkeley et NYU, il s’intéresse aussi au théâtre (en français), à la littérature et bien sûr à la photographie, qu’il pratique, comme le cinéma, depuis sa prime enfance, grâce aux polaroïds et films 8mm.


Dans les années 1970, il enseigne la réalisation en 16 mm et la photo à l’Université américaine de Paris, tourne des films underground. C’est aussi à cette époque qu’il fait ses débuts dans le photojournalisme, pour la presse française (Actuel) et américaine (The Paris Métro). Il entre à l’agence parisienne Rapho, puis la new-yorkaise Black Star.

Au début des années 1980, il travaille aussi dans la publicité. Certaines de ses photos sont sélectionnées pour la collection permanente de la Bibliothèque Nationale. C’est le temps des premières expositions : après « Les passants », fin des années 1970, à la Villa Corot (13è), c’est dans ce même studio que se monte « Two Women ». Par la suite, il exposera également à la Galerie du Parc (19è), au Musée d’Art Moderne de Paris, au Passage Imaginoir (14è), mais aussi dans les rues de Paris (Rue d’Alger, Avenue de la République) et à Montrouge (Place Jules Ferry) où se trouve son atelier depuis 2000. En 1987, il reçoit le Prix Ilford Noir et Blanc.

En 1993, pour l’éditeur new-yorkais McGraw Hill, il publie A Day on the Boat with Captain Betty, livre photo pour enfant. Douze ans plus tard, en 2005, il réalisera les photos de Mon corps en neuf parties et My body in nine parts de Raymond Federman.

Depuis le milieu des années 1990, son travail s’est concentré autour de la commune de Montrouge, où il a notamment exposé à la Maison pour Tous. En 2000, son exposition de 50 photos disposées le long de l’Avenue de la République à Paris a pour titre « Montrouge Noir et Blanc ». En 2001, il rejoint l’association d’artistes de Montrouge « Les Yeux Fertiles ». Mais son travail a également été présenté dans d’autres villes françaises, comme à Aubagne en 1999 et à plusieurs reprises au Musée de la Photographie de Mougins.

Tout au long de sa carrière, il aura également photographié des personnalités importantes, telles Samuel Beckett, François Mitterrand ou encore Coluche et plus récemment, les footballeurs de l’équipe de France.
En 2007, il présente l’exposition « C’EST A NORMALE » à l’Ecole Normale Supérieure. Ses derniers travaux, regroupés sous le titre « Urbanality ! » sont issus de voyages récents dans les villes de New York et Los Angeles.

Vous pouvez voir de nombreux clichés à l’adresse suivante : www.stevemurez.com


Le SYNOPSIS de De Battre mon coeur s'est arrêté, de Jacques Audiard:

« La vie passe deux fois les plats ; mais la seconde fois
il faut avoir très faim parce que c’est beaucoup plus cher. »
Jacques Audiard, résumant De battre mon cœur s’est arrêté

De battre mon cœur s’est arrêté nous raconte l’histoire de Tom (Romain Duris). Escroc de petite envergure, il travaille dans l’immobilier ; il trempe dans des affaires louches, expulsant illégalement les occupants d’un immeuble, frappant les mauvais payeurs. Il marche ainsi sur les traces de son père (Niels Arestrup), Robert, pour lequel il travaille à l’occasion. Parce qu’il croise un jour l’impresario de feu sa mère, qui fut pianiste, Tom se lance dans un projet improbable : alors qu’il a près de trente ans, il décide de préparer une audition afin de devenir concertiste. Commence alors le long apprentissage de Tom – apprentissage musical, mais aussi amoureux et existentiel.
La musique au cœur du film
De battre mon cœur s’est arrêté est un remake du film de James Toback, Fingers, sur les errances d’un pianiste (Harvey Keitel) dans le New York des années 1970. Dans ce film comme dans celui de Jacques Audiard, la musique tient une place essentielle. D’abord parce que le héros aspire à devenir pianiste et que nous assistons aux cours de piano qu’il prend auprès d’une jeune concertiste chinoise (Linh Dam-Pham). Ensuite parce que Tom écoute sans cesse de la musique : la caméra le suit dans les rues de Paris, le casque audio vissé sur les oreilles. À la toccata en mi mineur de Bach, que Tom répète pour son audition, s’ajoutent des morceaux de rock ou d’électro. Inlassablement, les mains de Tom battent la mesure de cette musique tantôt nerveuse, tantôt éthérée, au gré de Bloc Party, de Telepopmusik ou des Kills. Bien que le piano soit au cœur de l’histoire – héritage maternel, voie de passage vers une autre vie – Audiard ne le laisse apparaître que tardivement ; c’est le pianotement de Tom sur cette bande-son (au volant de sa voiture, sur le comptoir des bars) qui l’annonce déjà. La musique d’Alexandre Desplat se fraye un chemin dans cet univers sonore, elle accompagne la trajectoire du personnage principal. Ainsi le morceau final est la reprise du thème de Tom ; ce thème était présent depuis le début du film, mais comme fragmenté, ralenti. La mélodie se structure peu à peu, tandis que le parcours initiatique de Tom prend forme. Ses mains, qui auparavant cognaient les mauvais payeurs, courent maintenant sur le clavier du piano. Le rythme, d’abord effréné, s’apaise. Commence alors pour Tom sa vie d’homme.
Une histoire de filiation
« Alors tu comprends que ton père a pris un coup de vieux et que t’as cessé d’être immortel » dit Sami (Gilles Cohen), le collègue de Tom, dans la conversation qui tient lieu de prologue. Car le thème de la filiation parcourt le film. Il est d’abord question de l’héritage ; l’héritage paternel, de l’escroquerie et de l’immobilier véreux, entre en conflit avec l’héritage maternel, l’amour de la musique classique. Préparer cette audition, c’est aussi pour Tom renouer avec sa mère disparue, s’éloigner d’un milieu définitivement marqué du sceau paternel. Les réactions de ses acolytes le prouvent : le père de Tom se moque de lui, ses associés lui reprochent de se désintéresser des affaires – en témoigne l’incompréhension de Sami, qui pense d’abord que Tom a fait des pianos son fonds de commerce ! Quel est notre héritage et jusqu’à quel point le trahissons-nous : deux questions qui traversent De battre mon cœur s’est arrêté. Outre ce rapport filial, fait de répulsion et d’affection, Audiard a voulu saisir le moment où les rôles soudain s’inversent entre parents et enfants : comme Sami confesse être devenu progressivement le père de son père, Tom fait de Robert son fils – il règle ses conflits avec ses clients récalcitrants, tente de trouver une solution à ses problèmes sentimentaux, le borde quand il est mal en point.

Duris, lointain cousin de De Niro


Le parallèle peut surprendre. Mais De battre mon cœur s’est arrêté rappelle le Scorsese de Taxi Driver : nous suivons dans ces films des jeunes gens nerveux, à la violence à peine contenue – la tension des personnages parcourant le film tout entier. Car De battre mon cœur s’est arrêté est comme porté par l’écume rouge sang du jeu intense de Romain Duris. Duris est le cœur battant de ce film - la caméra collée à la nuque, à ses moindres gestes. En suivant Tom, Audiard filme avant tout un corps en mouvement. Le jeu très physique de Duris le montre : Tom engage tout son corps dans l’action, aussi bien quand il frappe les clients de son père que lorsqu’il joue la toccata de Bach. Le choix même de ce morceau n’est pas anodin – il peut paraître froid, théorique, et n’est pas sans rappeler l’absence de cœur que manifeste Tom à plusieurs reprises dans le film. Bach propose en quelque sorte de mettre beaucoup de notes dans un certain ordre et à une certaine vitesse, et cet aspect mécanique convient bien à Tom : il s’agit avant tout d’acquérir une technique. Mais ce combat du personnage avec son propre corps donnera lieu à une véritable naissance : le corps en mouvement est aussi corps en devenir.

Un titre poétique


Mais d’où vient donc ce titre, ennéasyllabe qui semble battre la mesure de la musique du film ? Il est extrait d’une chanson de Jacques Dutronc, La Fille du Père Noël, dont Jacques Audiard affirme qu’elle pourrait être le synopsis de De battre mon cœur s’est arrêté :
De battr’ mon cœur s’est arrêté
Sur le lit j’ai jeté mon fouet
Tout contre elle je me suis penché
Et sa beauté m’a rendu muet
Fatigué j’ai la gueule de bois
Toute la nuit j’avais aidé mon père
Dans le feu j’ai remis du bois
Dans la ch’minée y avait pas son père
C’était la fille du Père Noël
J’étais le fils du Père Fouettard
Elle s’appelait Marie Noël
Je m’appelais Jean Balthazar

 (paroles de Jacques Lanzmann)
Film multiple, croisant polar, roman d’éducation, photographie d’une époque, éloge de la musique, l’ensemble comme plongé dans un bain nocturne huileux – De battre mon cœur est tout cela à la fois.

Léa Verdy