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Impressions cannoises - édition 2010





Epuisés mais heureux, épatés et enflammés par les films vus, toute l'équipe du ciné-club revient de Cannes. Avec 13 membres présents au total durant le festival, nous fûmes probablement l'une des plus grosses délégations (mieux que les inrocks et Telerama!!)

Des dizaines de films vus, certains magnifiques, des déceptions, des découvertes, voici le bilan de nos envoyés spéciaux.


Parmi la douzaine de films que nous avons vus en presque cinq jour, nous tenons à saluer l’opus de Mike Leigh, « Another year » , notre palme à nous, après de houleux débats (bon on a vu que trois films en compétition). Ce film présente au fil des saisons le quotidien d’un couple de sexagénaires, qui accueille tour à tour dans son cocon londonien des êtres au désespoir à la recherche d’un peu de réconfort. L’humour grinçant et le ton, mi-joyeux mi-amer, de cette comédie sophistiquée, portée par des acteurs impeccables, nous ont totalement conquis.

A l’inverse, l’hypernavet de Bertrand Tavernier, « La Princesse de Montpensier », fut un objet de perplexité et de consternation. Dans le plus pur style téléfilm d’après-midi, les acteurs s’emmerdent et nous aussi, le scénario ne tient pas la route et les acteurs non plus (désarçonné Lambert Wildon ! dans tous les sens du terme !). Un bref récapitulatif de la daube : « j’ai tué une femme enceinte, maintenant je suis contre la guerre »/ « Marie, je vous aime, non, c’est une alouette »/ « je ne vous laisserai pas tuer une femme enceinte : aaaaaaahâââh. »

Le ciné-club affligé a fui les hauteurs de la Bocca pour se réfugier au grand théâtre lumière : après une glorieuse montée des marches, pour admirer le nouveau Stephen Frears projeté en séance spéciale. Le film, ovationné, nous a séduit par sa vivacité : cette comédie burlesque enlevée, à l’humour noir très british, fut la note déjantée de notre festival. Mention spéciale par ailleurs au très beau « Mardi après Noël », film roumain touchant de réalisme. Ce film aura quand même bien déchiré notre belle équipe : alors, absence de scénario ou subtilité des sentiments ? Citons encore une bonne surprise mexicaine, « Abel », de Diego Luna, film dérangeant aux personnages fascinants, puisqu’un enfant de retour de l’hôpital finit par se prendre pour le père de famille (ce qui génère moult situations dramatiques et cocasses).

Ce festival haut en couleurs fut pour nous un peu décevant quant aux films en compétition, mais il nous a permis de faire de belles découvertes, notamment de films étrangers rarement visibles ailleurs que sur la croisette…

Adrien :
De la trentaine de films vus, le meilleur pour moi est incontestablement Poetry, du coréen Lee Chang-Dong. Le résumé du film peut paraître inquiétant : l'histoire d'une grand-mère confrontée aux démélés de son petit-fils avec la justice et la morale d'une part, la maladie d'autre part, et qui tente de découvrir la poésie. Mais de cette multitude accablante, Lee tire un film lumineux, léger qui brasse sans difficulté et sans ennui (en 2H20 pourtant) des questions d'une incommensurable gravité. Surtout, le film est une des plus belles odes à la poésieque le cinéma nous ait donné, vecteur de spiritualité et d'humanité et opposée à une société que l'absence de profondeur spirituelle rend amorale. L'interprète principale joue à la perfection ce personnage lunaire et profondément humain. C'est certainement la plus belle émotion du festival.

Si on devait donner la thématique gagnante du festival, ce serait d'ailleurs certainement du côté de la spiritualité qu'il faudrait la chercher : en plus de Poetry, les film les plus réussis semblent se focaliser autour de ce sujet.

Avec d'abord Des Hommes et des Dieux, le film de Xavier Beauvois. Inutile de s'attarder infiniment sur ce film dont vous entendrez beaucoup parler dans les mois qui viennent, mais notons juste que c'est un film admirable, qui épouse avec finesse et intelligence, ainsi qu'une grand puissance narrative, la trajectoire sacrificielle des moines de Tibéhirine (exécutés dans des circonstances troubles en Algérie en 1996) Un grand film, une tragédie classique d'après Marc, sur la foi, ou plutôt sur la vocation et la communauté liées à la foi, qu'il serait difficile de résumer sans le trahir. Disons seulement qu'il culmine dans une scène d'une immense beauté, chant du cygne de ces moines.

L'autre film spirituel, c'est évidemment la Palme d'Or, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, du Thailandais Apichatpong Wherasethakul. La palme d'Or de la fraîcheur, sinon celle du meilleur film. Chaque image est surprenante, gracieuse et d'une grande beauté. Si l'histoire est difficile à saisir au premier abord, on aime se perdre dans ce bestiaire légendaire (et pourtant ancré dans l'actualité) qui fait penser à Pasolini un peu, mais surtout à rien de connu !

Enfin hors compétition, la plus belle émotion est sans doute le documentaire Nostalgie de la lumière, brillante et lumineuse (!) réflexion sur la mémoire et l'histoire chiliennes, à travers les divers occupants du désert d'Atacama : astronomes, archéologues et victimes des camps de concentration de Pinochet.

A l'opposé la banane d'Or est attribuée à Takeshi Kitano, pour son film Outrage, dont d'aucuns ont fait remarqué qu'il outrage sérieusement son oeuvre. Deux heures d'une succession de meurtres pour le pouvoir dans un clan de Yakusas, ça pourrait le faire, mais c'est juste d'un ennui mortel. Plutôt que de dépenser 8 euros à aller le voir, louez-vous plutôt les somptueux Dolls ou Hana-Bi.