Bande-annonce du film.
Des immeubles du Barrio Chino de Barcelone tombent un à un. Ses habitants sont amenés à vivre dans un "non-temps", suspendus entre un passé mythique, lequel ressurgit contre toute attente, et un futur vague et assurément terne. C'est dans cette "vie dans le creux" le réalisateur espagnol José Luis Guerin s'immisce et nous embarque. Son documentaire "qui n'en est pas tout à fait un" explore avec une minutie vivante et vivifiante les récits des habitants, leurs souvenirs et leurs espoirs, à l'heure où les murs brisés permettent une véritable mise à nu. Nicolas Thévenin, co-créateur de la revue Répliques, qui consacrait son deuxième numéro à José Luis Guerin (notamment), animera une discussion à l'issue du film.
Durée : 125 minutes.
Couleur.
Pays : Espagne.
Année : 2008.
Avec : Juana Rodríguez Molina, Iván Guzmán Jiménez, Juan López.
Rapide synopsis : Dans un quartier populaire de la ville de Barcelone, au cours de travaux de réhabilitation, il est construit un immeuble de résidence. La caméra s'attache à comprendre et connaître au travers de cette construction immobilière les habitants de ce quartier : les jeunes qui jouent au football, un vieux marin, un commis de travaux, un couple de jeunes à la dérive. Ce film nous montre comment la mutation du paysage urbain implique une modification du paysage humain d'un quartier.
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Et pour résumer :
en salle Dussane, au 45 rue d'Ulm
pour voir et revoir
En Construccion
de Jose Luis Guerin
Proposition d'analyse
Quartier / Habitants = Ré (novation + miniscences)
« J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources. »
Georges Pérec, L’espace (suite et fin)
S’en remettre à Georges Pérec pour entrer dans En construcción, ce n’est pas jeter un pavé dans la mare, cela revient tout au plus à enlever une brique du quartier Chino de Barcelone où José Luis Guerin a tourné. La démarche de José Luis Guerin apparaît comme celle inverse (au sens ‘mathématique’, « 1/x », et non d’opposition) de La Vie mode d’emploi (1978) de Georges Pérec. En effet, si le réalisateur tâche de « construire » un espace où parole et mémoire sont solidaires, à travers un goût prononcé pour l’exhaustivité et la recherche formelle, le mariage entre hyper documentation et éclosion de fiction, le rapport au « décor » les distingue. Dans En construcción, les appartements n’apparaissent pas en coupe pour des motivations esthétiques : c’est l’état de fait, car il semble bien qu’ici, dans le barrio Chino, on détruit plus qu’on ne bâtit. C’est du moins le point de vue adopté par le montage : nous ne verrons finalement qu’un seul appartement rénové, froid et sans âme, à la fin du film, alors même que les murs qui tombent donnent leur rythme au déroulement des journées. La structure du film est animée par cette tension entre disparition et résurgence, « montage et démontage », au sens le plus littéral du terme, puisque José Luis Guerin et son équipe entamaient le processus de postproduction en parallèle du tournage, respectant ainsi le précepte bressonien : « Monte ton film au fur et à mesure que tu tournes. Il se forme des noyaux (de force, de sécurité) auxquels s’accroche tout le reste. »