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Paprika, de Satoshi Kon (mecredi 25 janvier 2012)

Bande-annonce du film Paprika, de Satoshi Kon


Cette semaine, nous ouvrons notre Cycle Rêve avec le film de Satoshi Kon : Paprika. Petit bijoux d'animation, ce film coloré et futuriste nous invite à l'exploration de notre inconscient et de son joyeux chaos.

Dans le futur, un nouveau traitement psychothérapeutique nommé PT a été inventé. Grâce à une machine, le DC Mini, il est possible de rentrer dans les rêves des patients, et de les enregistrer afin de sonder les tréfonds de la pensée et de l'inconscient.
Alors que le processus est toujours dans sa phase de test, l'un des prototypes du DC Mini est volé, créant un vent de panique au sein des scientifiques ayant développé cette petite révolution. Dans de mauvaises mains, une telle invention pourrait effectivement avoir des résultats dévastateurs...


Et pour résumer :


Rendez-vous le mercredi 25 janvier, à 20h30
en salle Dussane, au 45 rue d'Ulm
pour
Paprika
de Satoshi Kon

Synopsis rédigé collectivement (expérience inédite !) par Léonard et Gabriel.


Une fois n'est pas coutume, nous ouvrons ce cycle consacré au rêve dans le cinéma par un film d'animation japonais, réalisé par un grand maître de l'anime, Satoshi Kon. Ce dernier a souvent évoqué dans ses longs métrages la frontière : entre réalité et paranoïa dans Perfect Blue ; entre réalité et cinéma dans Millenium Actress. Ici, c'est la démarcation entre le rêve et la réalité qui s'estompe, un thème que Satoshi Kon brode de plusieurs autres questions : quel rapport existe-t-il entre rêve et cinéma ? L'avènement de l'Internet permettrait-il de créer une communauté de rêveurs, partageant tous la même hallucination ?

Dans un futur proche, une équipe de chercheurs en psychanalyse met au point un appareil sans égal, le DC Mini, qui permet au thérapeute d'entrer dans les rêves de son patient, que ce soit pour les enregistrer en vue d'une analyse ou pour intervenir directement pendant le songe. Mais le DC Mini rencontre l'opposition virulente du directeur de la clinique, et le projet toujours en développement est suspendu. C'est alors que le précieux — ou dangereux ? — équipement est dérobé. L'identité du voleur est inconnue, mais ses intentions malsaines ne font rapidement plus aucun doute : le chaos guette l'ordre du monde lorsqu'il utilise le DC pour manipuler ses victimes dans leur sommeil, et les pousse au suicide ou à la folie. L'équipe chargée du développement de l'appareil, Atsuko Chiba et son assistant Himuro se lancent à sa poursuite, tandis qu'une mystérieuse « Paprika » fait son irruption dans le monde onirique...



Le rêve au cinéma : un sujet galvaudé ?

Paprika est réalisé dans une période qui a connu de nombreux films consacrés à cette lisière ténue, entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas, période dont Inception se voulait la synthèse. Beaucoup d'élements de scénario sont d'ailleurs littéralement empruntés au dessin animé de Satoshi Kon : la machine à rêver et le partage du rêve ; l'ascenseur qui voyage dans les souvenirs, métaphore du cinéaste qui nous emmène progressivement dans les profondeurs de l'inconscient du rêveur.

Mais là où Inception veut faire passer le rêve pour la réalité, Paprika représente à l'écran la contamination du réel par l'onirique, avec son lot de chaos et d'incontrôlable. Quand Nolan fixe les règles du jeu, Satoshi Kon s'attache à les détruire pour ne jamais les remplacer, tout à la fois dans les rebondissements aléatoires de l'histoire que dans sa retranscription à l'image : le spectateur vivant l'expérience de confusion entre rêve et réalité, dans ce monde où les repères n'existent plus. Le pouvoir de l'animation permet ici d'élaborer des scènes qu'un film traditionnel peinerait à représenter : le décor qui se dérobe sous les pieds d'un personnage, la parade loufoque et tonitruante qui semble annoncer la fin prochaine de la raison, la succession et la transformation de lieux comme de visages à un ryhtme effrené. Le dessin et l'utilisation — à l'époque novatrice et exceptionnelle dans son intégration — de la 3D permettent de donner aux rêves cette fluidité qui les rend insaisissable, et aussi ce caractère à la fois ressemblant et irréel.

Le cinéma, cette machine à rêver

Pourtant, ce dessin animé fait aussi la part belle au cinéma, et aux rêves de cinéma. On pense, par exemple, à cette séquence comique où le policier vit en compagnie de Paprika plusieurs scènes de genre référencées : Tarzan, l'assassinat dans un train, le baiser sur fond de soleil couchant, etc. Dans ce cas-là, Satoshi Kon semble plutôt évoquer la manière qu'a le cinéma de créer du rêve. D'autres scènes montrent davantage comment le rêve peut traverser les films, à travers l'image de la parade qui traverse — littéralement ? — l'écran. La machine à rêver, n'est-ce pas aussi la caméra Super 8 des temps de l'enfance, qui a servi à produire ce film inachevé, cette « mauvaise histoire de flics » qui obsède le policier ? Ou tout simplement, le film n'évoque-t-il pas le cinéma en général ? En effet, Satoshi Kon, lorsqu'il veut représenter les discontinuité d'un rêve et entraîner le spectateur à sa suite, utilise habilement les codes que le cinéma utilise au contraire pour marquer la continuité. On pense aux raccords de gestes, aux plans séquences ou autres mouvements de caméra qui d'ordinaire nous permettent de saisir la cohérence d'un scène mais qui ici rendent crédible un enchaînement illogique de situations que seul le songe autorise. Il n'y a rien de surprenant à penser le cinéma comme une immense illusion.

Un rêve 2.0

La machine n'est pas seulement une allégorie du projecteur de cinéma mais interroge également les conésquences de la virtualisation sur le réel : un Internet pour tous, une conscience pour tous, un rêve pour tous ? En nous connectant, ne rejoignons-nous pas tous ce songe permanent, cette monstrueuse parade colorée qu'est l'Internet ? Satoshi Kon ne nous rappelle-t-il pas ici le danger de la confusion entre l'avatar — Paprika ­— et la personne réelle — Dr. Atsuko Chiba — et la nécessité de parfois déchirer l'enveloppe ? D'ailleurs, on remarquera que tout prend fin lorsque Paprika ravale tous les rêves, redessinant clairement la frontière disparue et disparaissant du même coup. Chaque monde à sa place et chacun peut de nouveau rêver et vivre en toute quiétude.