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Looking for Eric, de Ken Loach (jeudi 19 janvier 2012)




Bande-annonce du film Looking for Eric, de Ken Loach

Après le succès des Monty Python la semaine dernière, ne manquez pas la dernière étape de notre cycle consacré à l'humour britannique : ce sera le jeudi 19 janvier, avec un film de Ken Loach : Looking for Eric. Avec Eric Cantona en guest star, dans son propre rôle, qui donne ses conseils cantoniens à un looser ordinaire... Pour en savoir plus sur nos prochaines projections, nous vous invitons à télécharger notre guide des séances ! Et pour résumer :

Rendez-vous le jeudi 19 janvier, à 20h30
en salle Dussane, au 45 rue d'Ulm
pour
Looking for Eric
de Ken Loach




Et voilà le synopsis !


Il peut sembler paradoxal de clore un cycle consacré à l'humour britannique par un film de Ken Loach. C'est donc avec une certaine satisfaction que l'on se propose cette semaine de mettre en avant la veine comique rarement relevée dans la filmographie d'un cinéaste que l'on a tendance à confiner aux sphères du réalisme social -même si la question du réalisme traverse, il est vrai, toutes les œuvres de Loach et ce, jusque dans Looking for Eric.

L'Esprit de l'équipe et l'esprit d'Equipe

Looking for Eric est avant tout le film d'une rencontre. Celle du chantre des classes populaires anglaises et du « king » Cantona, la superstar du football adulée par les supporters du Manchester United, club dans lequel le sportif a effectué les plus belles années de sa carrière. Rencontre étrange s'il en est, compte tenu de la réticence du réalisateur anglais à employer des vedettes, préférant les visages inconnus à ceux des stars dont les traits trop facilement identifiables appartiennent déjà à d'autres histoires. Ken Loach réserve un accueil tout spécial à Eric Cantona : ce dernier jouera son propre rôle, mais loin de l'hagiographie ou du biopic -genre très en vogue ces derniers temps, Loach traite la présence de Cantona sur le mode du fantastique. Eric, le colosse musculeux fait des apparitions -au sens littéral du terme- dans la vie d'Eric, postier quinquagénaire dépressif en pleine crise existentielle. Cantona n'existe que pour son homonyme anglais, et ses apparitions sont raison du nombre de joints que son admirateur est allé emprunter à l'un de ses beaux-fils pour se les rouler face au poster de l'idole. Car Eric Bishop, comme son nom l'indique (évêque en anglais), voue un culte à la religion football dont le dieu tout puissant proclame haut et fort son exctraction divine (cf la plus célèbre réplique du film « I am not a man, I am Cantona »).
L' hallucination du postier anglais commence sur le plan sonore : à une interrogation du Don Camillo de Manchester répond une autre question qui semble provenir du poster taille réelle dont Eric a orné sa chambre. L'image a en fait pris corps, et c'est dans un brutal contre-champ que le fidèle reconnaît son dieu ; en regard de l'image au mur, l'incarnation a eu lieu. Jeu de dédoublement donc, faisant du miroir l'outil principal de re-connaissance et de reconquête de soi : l'identification au grand Eric devient dès lors une voie de rédemption, préparée par les exercices bouffons de psychologie à la petite semaine auxquels s'essaient les amis d'Eric pour l'aider à retrouver son équilibre.
Cependant, les aphorismes et proverbes qui sont les modes d'expression privilégiés du Cantona-mentor ne sont pas à prendre trop au sérieux : c'est avec un sens aigu de l'auto-dérision que le footballeur prodigue des conseils bilingues sans queue ni tête, s'apparentant plus au burlesque nonsensique cher aux anglais qu'aux paroles sibyllines d'un véritable prophète.

Le chemin d'Eric à la recherche de lui-même -puisque c'est d'abord d'une réconciliation avec soi-même dont il est question dans le titre du film- passe par le dédoublement (en un autre Eric) en même temps que par l'éradication de toutes les images qui saturent l'espace de vie de la famille Bishop. Le premier geste d'Eric en rentrant chez lui est d'éteindre toutes les télés ; plus tard, il les enlèvera complètement au grand désespoir de ses beaux-fils. Quand Eric semble enfin avoir recouvré sa santé mentale et rassemblé les fils dispersés de sa vie, c'est une vidéo sur Youtube -autre dédoublement donc- qui empêchera son rétablissement complet.


La thérapie par le foot

Dans son court-métrage pour Chacun son cinéma (film de commande de Gilles Jacob pour le festival de Cannes), Ken Loach dressait un parallèle entre le foot et le cinéma : ne réussissant à décider quel film voir, un père et son fils choisissent au dernier moment d'aller assister à un match. Une séance de cinéma et un match de football ont à peu près la même durée : l'acte social qu'ils représentent sont du même ordre. Pour qu'Eric se rétablisse complètement, il ne lui faut pas seulement un entraîneur personnel, mais aussi une équipe au sein de laquelle évoluer. Eric doit faire confiance, apprendre à « faire la passe ».
Ken Loach articule toujours l'individuel au collectif : c'est en recréant le lien aux autres que la communauté peut exister et qu'un espoir est possible. L'action finale, qui démultiplie la figure de Cantona élargi la quête d'Eric à la communauté en même temps qu'elle lui assure une place au sein de celle-ci. Cette expédition punitive, parodiant les films de gangsters, affirme la solidarité et l'amitié qui se noue à partir de l'expérience du football en retournant contre un ennemi commun (un chef mafieux) les armes dont Eric avait fait les frais auparavant -le pistolet à peinture, la vidéo sur youtube...
C'est en dernière analyse les liens familiaux que la communauté et l'esprit sportif permettent de renouer : de totalement distanciés, les rapports d'Eric avec son ex-femme, sa fille et ses beaux-fils se rétablissent. L'acceptation du passé -les ridicules chaussures de daim bleu-, la préparation du futur (la séance de photo comme affirmation des liens familiaux) et la disparition du fantôme de Cantona viennent confirmer la solidité que forme cette nouvelle communauté.

Avec Looking for Eric, Loach signe un film-mélange (à cheval entre la comédie, le film noir et le drame social), et, contrairement à ses habitudes, nous livre une œuvre optimiste : même si la noirceur n'est pas complètement absente (dans toute la première partie et jusqu'au finale libérateur), le maître anglais affirme l'existence de la solidarité dans le monde moderne. Solidarité dont la possibilité est rendue effective grâce au foot (merci Eric) et grâce au cinéma (merci Mister Loach).

Mélodie