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La Nuit Américaine

Déjà l'heure de notre prochaine séance, mardi, La Nuit américaine de Truffaut.
Voici  la bande annonce du film, et ici la bande-annonce du Mépris, le film de Godard sur le cinéma, l'occasion de jauger la différence de style, de ton, d'esprit des deux monstres sacrés de la Nouvelle Vague (et juste parce que j'adore cette bande-annonce).

A mardi!

Adrien

Le SYNOPSIS (par Julie)

La nuit Américaine est un film sur la génèse d’un film, un film qui rend hommage au cinéma.
 Dans les studios de la Victorine, le tournage d’un film,  Je vous présente Paméla (l’histoire d’une jeune fille anglaise qui tombe amoureuse du père de son mari, et part avec lui), commence sous la direction de Ferrand, le réalisateur. Les figurants s’agitent devant un grand décor. Les techniciens assaillent le cinéaste de questions, tandis que les acteurs commencent à arriver sur le plateau. On attend la vedette du film, Julie Baker, une star américaine psychologiquement assez fragile.
Puis le tournage suit son cours, mais semble parfois échapper au contrôle de Ferrand, troublé quelque peu par les problèmes personnels de chacun des membres de l’équipe. Ainsi, l’histoire de La nuit américaine mêle la vie privée des acteurs durant un tournage à l’intrigue des personnages qu’ils incarnent, alors même qu’on parvient souvent à ces moments, comme le dit le metteur en scène, où « les problèmes personnels ne comptent plus », où « le cinéma règne. »
Déprimes, pannes d’inspiration, problèmes techniques, disputes, rien, pas même la mort, n’arrête le film.
 Ce film dans le film, cette mise en abîme du cinéma, nous permet de plonger avec joie dans l’ univers d’un tournage sous ses divers aspects techniques et humains. On y découvre la face cachée du cinéma : l’excitation sur un plateau, la réussite d’une entreprise, la solidarité de l’équipe, l’enthousiasme des acteurs… Du perchman à l'accessoiriste, en passant par la scripte, le producteur, la maquilleuse, et le régisseur, tous les maillons indispensables à la création de cette inoubliable expérience qu'est le cinéma sont là.
La Nuit Américaine mêle en quelque sorte documentaire et fiction : c’est un film vrai et sincère sur un monde factice, celui du cinéma, où « on passe son temps à s’embrasser, car il faut montrer qu’on s’aime », comme le dit l’un des personnages.
 Parce que finalement, La Nuit Américaine est un film d’amour, un film consacré à l’amour du cinéma. C’est une déclaration de foi dans le 7ème art, que Truffaut aimait le plus au monde et qui devait souvent passer pour lui avant la vie privée, avant la vie tout court.
« Je sais il y a la vie privée, mais la vie privée elle est boîteuse pour tout le monde. Les films sont plus harmonieux que la vie Alphonse, il n’y a pas d’embouteillage dans les films, il n’y a pas de temps mort, les films avancent comme des trains tu comprends, comme des trains dans la nuit. Les gens comme toi, comme moi, tu le sais bien, on est fait pour être heureux dans le travail, dans notre travail de cinéma. »

La nuit Américaine : Un film autobiographique ?
 Avant de réaliser La Nuit Américaine, Truffaut s’inspire de notes qu’il a écrit lui-même, sur ses souvenirs de tournage, sur des éléments de sa vie privée.
Dans un premier temps cependant, Truffaut est décidé à effacer toute trace autobiographique visible dans son film. Il imagine par exemple d’interpréter un metteur en scène dont la vie passée diffèrerait de sa propre vie : « il a commencé comme acteur ; il a abandonné parce qu’il ne se trouvait pas assez bon. »
 Mais Truffaut finit par renoncer à cette idée et laisse le spectateur libre de l’identifier à Ferrand, ou bien même de charger le personnage d’Alphonse des précédentes apparitions de J-P Léaud en Doinel. Si Truffaut donne à Ferrand un sonotone qui lui apporte une sorte de protection, c’est aussi une manière de private joke, puisqu’il a lui-même une oreille abimée par des tirs lors de son engagement dans l’armée.
Sur certains plans cependant, il prend de la distance avec l’autobiographie, comme lorsqu’il décide qu’il n’y aura aucune aventure entre l’actrice et le metteur en scène (on sait que Truffaut eu beaucoup d’histoires amoureuses avec ses actrices), mais que c’est l’actrice qui réconfortera le jeune acteur malheureux en couchant avec lui. À Godard de déclarer alors : « On se demande pourquoi le metteur en scène est le seul à ne pas baiser dans La nuit américaine. » !
 Au moment de la sortie du film, Truffaut prévient qu’il n’a pas cherché à dire toute la vérité sur le tournage d’un film, mais uniquement des choses vraies…

Le succès de La Nuit Américaine 
 Le film est tourné après deux échecs commerciaux successifs : Les deux Anglaises et le continent et Une Belle fille comme moi -qui sort une dizaine de jours avant le début du tournage de La Nuit Américaine-, d’où l’importance pour Truffaut de sa réception auprès du public.
Les artistes associés refusent de financer La Nuit Américaine, jugeant le scénario trop risqué, car « trop intellectuel », se méfiant de l’aspect « film dans le film » qui pourrait dérouter un spectateur non averti. C’est la Warner Bros qui va finalement s’engager sur le film, malgré l’échec des deux Anglaises.
Confiant, Truffaut accepte de présenter son film au festival de Cannes. Le lendemain, Le Parisien parle d’ « une nuit mémorable », tandis que Louis Chauvet dans Le figaro soutient que le film aurait eu la palme d’or s’il avait concouru.  Aussi la critique sera élogieuse (malgré la dure réaction de Godard), et le verdict du public, dont se préoccupe Truffaut, sera aussi positif.
Le film reçoit finalement l’oscar du meilleur film étranger en 1973.
 « Je me suis rassemblé et réconcilié avec moi-même avec la Nuit Américaine qui concerne simplement ma raison de vivre » déclarera Truffaut au critique Jean Louis Bory.

La nuit Américaine : une nuit d’amour franco-hollywoodienne ?
 Que le titre du film ne nous trompe pas : il désigne une technique cinématographique qui permet, grâce à une sous-exposition de la pellicule et/ou à l'utilisation d'un filtre, de tourner de jour des scènes, généralement en extérieur, censées se déroule diégétiquement la nuit.
Cependant, si la Nuit américaine se pose comme un manifeste de la Nouvelle Vague, qui déclare la fin du tournage en studio pour aborder le cinéma avec plus de vérisme, et si J-P Léaud et Dani représentent le tournage intimiste à la Française, Truffaut désire introduire une dimension internationale à son film, lorsqu’il choisit certains de ses interprètes par exemple. Jean-Pierre Aumont apporte le prestige d’un passé hollywoodien. Jacqueline Bisset, comédienne anglaise et vedette féminine de Bullit ( de Peter Yates), apporte le parfum d’Hollywood au présent.
Truffaut ne se prive pas non plus de faire référence explicitement à des acteurs ou des réalisateurs américains. Le film dès le départ est dédié à Lillian et Dorothy Gish, les deux sœurs du cinéma muet. Ferrand rêve toutes les nuits d'un petit garçon marchant, étrangement avec une canne, dans des scènes crépusculaires désaturées à la limite du noir et blanc. Il s'approche d'un cinéma pour y dérober les photos de Citizen Kane.
L'origine même de ce film remonte à une observation de Hitchcock lors de son interview avec Truffaut : « Toute l'action se déroulerait dans un studio, non pas sur le plateau devant la caméra, mais hors du plateau entre les prises de vue ; les vedettes du film seraient des personnages secondaires et les personnages principaux seraient certains figurants. On pourrait faire un contrepoint merveilleux entre l'histoire banale du film que l'on tourne et le drame qui se déroule à côté du travail ».
Et Truffaut, des années plus tard, devait se souvenir de cette suggestion géniale du maître du suspense : « Je me suis imposé des limites très précises  - avait-il dit à ce propos - j'ai respecté l'unité de lieu, de temps et d'action. (...) Je n'ai pas cherché à détruire la mythologie du cinéma. Le cinéma français étant très peu mythologique, j'ai voulu que ce film porte l'empreinte d'Hollywood. ».
 Et puis, comme l’affirme la voix-off du metteur en scène au début de la Nuit américaine : « un tournage de film, ça ressemble exactement au trajet d’une diligence au Far-West »
Julie Malapert