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The effect of gamma rays, de Paul Newman (mercredi 19 septembre 2012)


Générique du film

Enfin ! C'est l'heure de la grande rentrée du ciné-club de l'ENS, après quelques mois de relâche ! Notre dernière séance vous présentait une perle rare du cinéma, The swimmer de Frank Perry, et nous vous proposons de nous retrouver lors de la projection en 35mm d'un autre chef d'oeuvre : The effect of gamma rays on man-in-the-moon marigolds (De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites), de Paul Newman. L’histoire de trois femmes : une mère, Béatrice, et ses deux filles. La vie n’a pas été tendre pour Béatrice — et elle le lui rend bien. Jusqu’au jour où sa plus jeune fille se lance dans un projet scientifique d’envergure, l’étude des effets de la radioactivité gamma... Nous vous attendons nombreux pour découvrir ce film splendide, portrait humaniste de femmes aux prises avec la vie.

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Si vous voulez passer de l’autre côté du miroir, apprendre à manier les copies 35mm et le projecteur, participer à la programmation en proposant les films qui vous ont marqué et peut-être participer à un célèbre festival sur la Côte d’Azur, n’hésitez pas à nous contacter ou à venir nous parler le 19 septembre ou lors des journées de présentation des clubs (vendredi 14, mardi 18 et mercredi 19 de 12h à 14h). Toutes les bonnes volontés seront accueillies à bras ouverts, nul besoin d’être un cinéphile expert pour participer au ciné-club !

Et pour résumer :

Rendez-vous le mercredi 19 septembre, à 20h30
en salle Dussane, au 45 rue d'Ulm

pour
De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites
de Paul Newman

Voici le synopsis distribué par nos soins lors de cette séance :

1972 – USA – Couleurs.
Titre original : The Effect of the Gamma Rays on Man-in-the-Moon Marigolds.
Réalisateur : Paul Newman.
D'après la pièce de Paul Zindel.
Interprètes : Joanne Woodward (Beatrice Hunsdorfer), Nell Potts (Matilda Hunsdorfer), Roberta Wallach (Ruth Hunsdorfer), Judith Lowry (Nanny, la vieille dame), David Spielberg (M. Goodman), Richard Venture (Floyd), Carolyn Coates (Mme McKay), Will Hare (Junk Man), Estelle Omens (Caroline), Jess Osuna (Sonny).

Véritable légende d'Hollywood, Paul Newman est resté dans les mémoires comme un des plus grands interprètes de l'Actor's Studio, aux côtés de James Dean et Marlon Brando. Une dizaine d'années après ses premiers films, Newman décide de passer derrière la caméra : en vingt ans, il réalise quatre films. Contrairement à Clint Eastwood, qui a réussi à s'imposer comme cinéaste à force de réalisations, Paul Newman est resté cette star de cinéma dont les films restent peu connus — trop peu connus. Le Clan des irréductibles, qui précède d'un an The Effect of gamma rays, annonce déjà le talent certain de Newman qui s'exprime dans une scène bouleversante, une longue scène d'agonie. Mais Newman renie le film, dont il a accepté la réalisation au pied levé. En revanche, The Effect of gamma rays est son projet. Lorsqu'il achète les droits de la pièce de Paul Zindel, qui a reçu le prix Pulitzer pour cette œuvre, Paul Newman cherche un rôle « impossible » pour sa femme, Joanne Woodward, et une histoire qu'il puisse faire sienne. Woodward sera justement récompensée par un prix d'interprétation à Cannes ; Newman part les mains vides.

« Life's been a real bitch to Beatrice Hunsdorfer. And vice-versa. »

C'est en ces quelques mots que l'affiche américaine de The effect of gamma rays présente le film. Il est vrai que la vie n'a pas été tendre envers Béatrice : âgée d'une quarantaine d'années, veuve, elle tente de vivre et de survivre avec ses deux filles, Ruth et Matilda. Ruth est une adolescente en proie à de sérieuses crises d'épilepsie ; Matilda, une enfant réservée qui trouve du réconfort auprès de son lapin blanc et de l'espoir dans son projet de science : étudier l'effet des rayonnements gamma sur le développement des marguerites. Quant à Béatrice, elle rêve d'ouvrir une belle maison et un salon de thé bien à elle. Mais pour l'heure, il faut vivre. Elle se démène comme elle peut en tentant de donner quelques cours de danse et en hébergeant périodiquement des personnes âgées, en fin de vie, que leurs familles abandonnent aux soins de cet hospice bon marché. Meurtrie par la vie, Béatrice ne se démonte pas : jamais à court d'insultes, elle se défend bec et ongles, elle rend coup pour coup.

Quatre femmes puissantes

Le film peut surprendre le spectateur si ce dernier s'attend à une œuvre semblable à Une femme sous influence, de Cassavetes. Contrairement au personnage incarné par Gena Rowlands, Beatrice est capable du meilleur comme du pire, même envers ses filles qu'elle aime plus que tout. Maladroite quand elle tente d'exprimer son affection à Ruth et à Matilda ; incapable de quitter sa ville natale et de faire un dernier bras d'honneur à ces habitants qui lui rappellent toujours qu'elle fut et reste « Betty Baloon » ; inconsolable de n'avoir pas su montrer au monde ses talents et son intelligence : le personnage de Béatrice semble toujours osciller entre une profonde détresse et son inflexible volonté d'aller de l'avant.

L'autre surprise, pour qui s'attend à un émule de Cassavetes, est l'aspect changeant du film qui ne cesse de surprendre le spectateur. Alors que nous pensions avoir sous les yeux le portrait — splendide — de Béatrice, dans le huis clos de leur petite maison, le film change soudain de ton. Newman ouvre les portes de la maison où étouffent les personnages. Béatrice se réfugie loin de la ville, vite rattrapée par un policier qu'elle a connu enfant. Cette scène sur la colline est une bouffée d'air frais avant le final. Béatrice ne sait plus que faire, partagée entre le désir de garder ses filles près d'elle, l'incompréhension des brillantes expériences scientifiques de sa fille qu'elle pourrait bien jalouser et son envie de surmonter ses propres blessures pour dire son amour à ses enfants se traduisent dans une scène superbe, où Béatrice ne peut que répéter la même phrase en espérant lui donner un sens. Folle pour tous, sauf pour sa fille et pour le spectateur qui voient en elle quelque chose de plus. Le film se déploie progressivement, en dessinant non plus le portrait de la mère, mais de plusieurs femmes puissantes : Beatrice, Ruth, Matilda, Nanny.

Démocrate convaincu, défenseur des droits des homosexuel-le-s et des droits civils aux Etats-Unis, Paul Newman signe ici un film dont le féminisme consiste à nous montrer des femmes fortes, à l'image de plusieurs autres œuvres des années 1970 — j'ai déjà mentionné Cassavetes — sans tomber dans les clichés de la « femme castratrice » ou de la « femme sainte ».

Humanisme des marguerites

Mais ce qui donne au film toute son aura et sa beauté est moins un féminisme qu'un humanisme. En parlant de son soutien à la communauté gay, Paul Newman disait : « je n'ai jamais pu comprendre les attaques envers la communauté gay. Les êtres humains ont tant de qualités. Quand j'ai fini de faire le tour de tout ce que j'admire vraiment chez une personne, ce qu'elle peut faire avec ses parties intimes arrive tellement bas dans la liste que ça devient insignifiant ». Voilà ce qui fait la puissance de ce film et sa mise en scène. Il suffit, pour s'en convaincre, d'évoquer les plans sur les visages des personnages : Joanne Woodward, bien sûr, mais aussi le personnage de Nanny, la vieille dame en pension chez Béatrice, qui ne peut plus s'exprimer que par le regard — et c'est dans ce regard que Paul Newman saisit une multitude de sentiments, de la solitude à l'espoir, qui en disent long sur la condition humaine.

The Effect of gamma rays n'est pas le drame annoncé. Les radiations ont beau détruire, blesser ou tordre les marguerites, ces dernières se transforment, mutent et révèlent leur beauté propre. La métaphore est si simple qu'elle n'échappe à personne, pas même à la petite Matilda qui l'énonce sur la grande estrade de son école. Mais à l'époque de la terreur nucléaire, où les rayons gamma font rage, qui pouvait croire qu'il se trouvait encore quelqu'un pour voir la beauté des marguerites ?

Gabriel