Rendez-vous le mercredi 27 octobre, à 20h30
en salle Dussane, au 45 rue d'Ulm
pour
Gloria
de John Cassavetes
Plongée
dans la violence de la mafia new-yorkaise : la première scène
du film débouche sur le massacre d'une famille entière, dont le
père projetait de trahir la mafia en livrant à la CIA un carnet
rempli d'informations. Seul en réchappe le petit dernier, Phil, qui
a été confié juste à temps, avec le carnet compromettant, à sa
voisine de palier, Gloria. Mais cette femme de caractère au passé
embrouillé et aux mœurs faciles, a tôt fait de comprendre la
menace qui pèse sur le rescapé, que traqueront certainement les
gangsters. Elle accepte alors de renoncer au confort de sa maison et
s'échappe avec lui. La caméra les accompagne dans leur fuite en
avant, course contre le temps, qu'éternise cependant la naissance
d'une vraie affection entre les deux protagonistes. Une solution
semble pouvoir les faire sortir de l'impasse : jouant de ses propres
relations avec la mafia, Gloria pourrait restituer le carnet, et
garder l'enfant...
Cauchemar
Dans
l'épopée de Phil et de Gloria, les méchants sont presque
imaginaires, désin-carnés, ils apparaissent partout et surgissent
de nulle part. Tout au long du film, le passant, le voisin de table,
le passager de bus le plus innocent se révèle le plus terrible des
gangsters, et Gloria elle-même, passe du statut d'innocente
quinquagénaire à celui de complice des mafieux, lorsque Phil
découvre qu'elle connaît en réalité ses poursuivants. C'est le
cauchemar de l'enfant : privé de famille, livré à lui-même,
il est privé de barrière et de repère, tout se confond pour lui
dans une même adversité. Le monde réel n'est plus qu'étranger,
donc hostile et poten-tiellement agressif. Certes, pour être au
monde, l'enfant tente de se faire lui-même violent, il veut devenir
adulte sur-le-champ, afin d'être à lui tout seul le protecteur et
le protégé (c'est ainsi qu'il tente de séduire Gloria, ou
d'affirmer son indépendance en refusant de se conformer à ses
plans). En vain : il ne trouve le repos que sous l'aile de
Gloria, à laquelle il s'abandonne petit à petit, et qui le tire de
toutes les situations, lui ouvre la route. Gloria est son deus
ex machina, elle est ce rempart à l'abri
duquel l'enfant peut s'isoler de l'incompréhension extérieure, et
élaborer sa personnalité.
On a pu
d'ailleurs reprocher à Cassavetes dans ce film le rocambolesque de
certains dénouements, et la passivité des bandits qu'une femme
seule parvient à peu près toujours à maîtriser ; mais c'est
que l'histoire est une histoire d'enfant, que tout y est symbole,
projection de l'esprit, superposition du monde affectif intérieur et
du monde extérieur. Et en fin de compte, dans la dernière scène du
film, c'est même le désir de l'enfant qui vainc la réalité :
l'amour que l'enfant éprouve pour Gloria envahit tout son
environnement, sa vie intérieure déborde.
Joseph