Rendez-vous le mercredi 27 octobre, à 20h30
en salle Dussane, au 45 rue d'Ulm
pour
Gloria
de John Cassavetes
Cauchemar
Dans
l'épopée de Phil et de Gloria, les méchants sont presque
imaginaires, désin-carnés, ils apparaissent partout et surgissent
de nulle part. Tout au long du film, le passant, le voisin de table,
le passager de bus le plus innocent se révèle le plus terrible des
gangsters, et Gloria elle-même, passe du statut d'innocente
quinquagénaire à celui de complice des mafieux, lorsque Phil
découvre qu'elle connaît en réalité ses poursuivants. C'est le
cauchemar de l'enfant : privé de famille, livré à lui-même,
il est privé de barrière et de repère, tout se confond pour lui
dans une même adversité. Le monde réel n'est plus qu'étranger,
donc hostile et poten-tiellement agressif. Certes, pour être au
monde, l'enfant tente de se faire lui-même violent, il veut devenir
adulte sur-le-champ, afin d'être à lui tout seul le protecteur et
le protégé (c'est ainsi qu'il tente de séduire Gloria, ou
d'affirmer son indépendance en refusant de se conformer à ses
plans). En vain : il ne trouve le repos que sous l'aile de
Gloria, à laquelle il s'abandonne petit à petit, et qui le tire de
toutes les situations, lui ouvre la route. Gloria est son deus
ex machina, elle est ce rempart à l'abri
duquel l'enfant peut s'isoler de l'incompréhension extérieure, et
élaborer sa personnalité.
On a pu
d'ailleurs reprocher à Cassavetes dans ce film le rocambolesque de
certains dénouements, et la passivité des bandits qu'une femme
seule parvient à peu près toujours à maîtriser ; mais c'est
que l'histoire est une histoire d'enfant, que tout y est symbole,
projection de l'esprit, superposition du monde affectif intérieur et
du monde extérieur. Et en fin de compte, dans la dernière scène du
film, c'est même le désir de l'enfant qui vainc la réalité :
l'amour que l'enfant éprouve pour Gloria envahit tout son
environnement, sa vie intérieure déborde.
Joseph