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Artémis, cœur d'artichaut de Hubert Viel (mardi 4 mars, 20h30)


Bande-annonce du film.

Venez découvrir un film plein de fraîcheur en présence du réalisateur et d'un(e) membre de son équipe. La discussion sera co-animée par Antoine Héraly du Septième Continent.


Durée : 64 minutes.
Couleur.
Pays : France.
Année : 2013.
Avec : Frédérique Barré, Noémie Rosset, Hubert Viel .

Rapide synopsis : Un passage dans la vie d'Artémis, déesse lunaire parachutée dans le monde contemporain. Etudiante en lettres solitaire et mélancolique, sa vie bascule quand elle rencontre l'exubérante nymphe Kalie. Histoire d'une amitié foudroyante.

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Et pour résumer :

Rendez-vous le mardi 4 mars 2014, 20h30
en salle Dussane, au 45 rue d'Ulm

pour voir et revoir
Artémis, cœur d'artichaut
de Hubert Viel

Proposition d'analyse


D’ORTIES ET D’EAU FRAICHES

Après avoir loué la déesse de la Chasse, le poète grec Callimaque a rendu les armes en 240 avant Jésus-Christ. Trois millénaires plus tard, Hubert Viel, authentique Hermès de la narration, décide de bousculer la jeune femme dans son indolence neurasthénique, de l’extirper de son enlisement dans la quotidienneté ; car, comme chacun sait, « l’éternité c’est long, surtout vers la fin » (Plusieurs individus sont soupçonnés d’avoir commis ce trait d’esprit. Pour des motifs écologiques, nous ne pourrons pas tous les nommer ici et préférons donc n’en nommer aucun. Cependant, si vous en êtes l’auteur, n’hésitez pas à nous le signaler). Pour le messager omniscient des pauses narratives, il s’agit donc de reprendre en main la destinée d’Artémis, je dirais même plus, caméra au poing.

Un matin, un jardin. Super 8 lancé, Super Viel s’exprime : le mythe peut retrouver son cours. Il suffit qu’Artémis ouvre sa fenêtre pour que le relais narratif s’opère : nous resterons de son côté, à quelques exceptions près, le narrateur étant trop occupé pour endosser son rôle à temps plein, puisqu’à l’instar d’Artémis, il a plusieurs cordes à son arc : scénario, production et composition de la bande son , douce dérive psychédélique. Artémis s’émancipera peu à peu du rôle qu’elle pensait devoir accomplir : vierge effarouchée, dédaignant le commun des mortels à l’exception des enfants et des animaux, ne jurant que par les orties séchées, elle rencontre la nymphette Kalie, « inconnue aux mœurs étranges mais sympathique », et s’autorise une virée hors de Caen pour vivre une nouvelle matière à Hymnes, laquelle instaure dans la diégèse du film une ligne d’harmonie délectable entre cinéma de chambre et cinéma de plein air.

« Un film se résume trop souvent à du voyeurisme enrobé dans de belles images » déplorera le narracteur à la fin du film. À l’heure du diktat de la Full HD, d’un lissage presque général des images et visages, le choix du Super 8 apparaît d’emblée comme l’instauration d’une temporalité mythique -la durée d’une bobine…-, de la promesse d’un retour à l’origine. Mais, ne nous méprenons pas : ici, nulle nostalgie, l’essence de l’image cinématographique réside bien en l’instant, quelque part entre l’anecdote ludique (une poignée de vers grouillant dans la main d’Artémis) et le désir de suspension (une canne à pêche gracieusement lancée au ralenti). Cependant, le choix du support ne pourrait à lui seul porter l’intérêt du film : si le grain de l’image confère un charme certain, cela vaut aussi pour Artémis et Kalie qui en ont certainement « un » (au moins), de grain, et ce qui leur confère de juste épaisseur. Grain(s) sablonneux d’une plage qui devient l’espace possible d’un cocktail des genres, grains immémoriaux échappés d’un décor où Jacques Rozier aurait mis yeux et pieds, grain(s) d’humanité où les actrices et leurs personnages (à moins que ce ne soit le contraire), Artémis-Frédérique Barré et Kalie-Noémie Rosset, dépassent le rôle préconçu des jeunes filles françaises, du moins tel que le décriait Ingmar Bergman , pour que se noue avant tout le récit authentique d’une amitié fulgurante, loin d’une série de portraits poseurs.

« Les « dieux » qui sont là s’en vont, ils ne nous veulent pas parmi eux, près d’eux, ils ne veulent pas de nous. »
BAILLY Jean-Christophe, Le Versant animal.

La mythologie finit par s’évanouir dans un semblant de réel, non par insolence facile ou tentation de désuétude, mais bien par trop plein d’humanité, par magnétisme envers le duo féminin, leur présence immanente, la complétude de la fébrilité d’Artémis et l’explosivité de Kalie. Elles sont portées et porteuses d’un ton réjouissant, que l’on pourrait nommer burlesque lyrique, et qui, sans nous conduire au septième ciel olympien, nous plonge du côté le plus généreux du septième art: une forme réjouissante de bricolage, du côté des « Artisans du Film », un goût limpide du montage et du pouvoir cinégénique des orties. Alors oui, après tout, on peut nous « laisser imaginer tout ce que nous voudrons » une fois le mot FIN posé.

Les orties fanées finiront par retrouver leur couleur. Pas la peine d’aller à la chasse à la taupe pour avoir les yeux en face des trous. Salut, Artémis, je t’aimais bien.

-Claire Allouche.