Attention !

Ce site n'est plus mis à jour !
Merci de vous rendre sur notre nouveau site :
http://www.cineclub.ens.fr

Cannes 2014

Le ciné-club est au festival de Cannes 2014 !

Suivez les coups de cœur ou de gueule, les rires et les larmes des membres du ciné-club en expédition cinéphile au festival de Cannes 2014 !

Au programme :

  • Bande de filles, Céline Sciamma
  • Brooklyn, Pascal Tessaud
  • White God, Kornél Mundruczó (Prix Un certain regard)
  • Les combattants, Thomas Cailley (Prix Label Europa Cinema, Art Cinema Award et SACD)
  • The disappearance of Eleanor Rigby (Them), Ned Benson
  • Siddharth, Richie Mehta
  • Foxcatcher, Bennett Miller (Prix de la Mise en scène)
  • Le meraviglie, Alice Rohrwacher (Grand Prix)
  • Più buio di mezzanotte, Sebastiano Riso
  • Galore, Rhys Graham
  • P'tit Quinquin, Bruno Dumont
  • Cañada Morrison (Ciencias Naturales), Matías Lucchesi
  • Whiplash, Damien Chazelle

BANDE DE FILLES, de CÉLINE SCIAMMA

Quinzaine des réalisateurs

Marieme vit ses 16 ans comme une succession d’interdits. La censure du quartier, la loi des garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre avec trois filles affranchies change tout. Elles dansent, elles se battent, elles parlent fort, elles rient de tout. Marieme devient Vic et entre dans la bande, pour vivre sa jeunesse.

J’ai résisté à l’envie de mettre Rihanna à 230 dB dans les oreilles pour écrire ces quelques lignes sur la dernière création de Céline Sciamma. Et pourtant, croyez-le ou non, c’eût été de circonstance ! Après ses pieuvres naissantes et son joli Tomboy, on passe 1h52 en compagnie d’une très chouette Bande de filles, violentes et vivantes.

On retrouve La Haine (avec plus de filles !), Fish tank (sans poisson rouge), The we and the I (à pied), L’esquive (sans Beaumarchais), avec toutes leurs qualités individuelles et plus encore. Chose étonnante, la palette de sa chef-opératrice, Crystel Fournier, fixe à mon avis mieux que La vie d’Adèle la couleur qui motivait le film : Bande de filles montre sans conteste que « le bleu est une couleur chaude ». Les sweats à capuche, les murs, les fringues volées, les lumières de la banlieue font vibrer toute la cité dans une atmosphère bleu électrique.

Coups de cœur complètement personnels et subjectifs :
- ce plan où l’actrice principale, Karidja Touré, réussit à dégager une puissance impressionnante alors qu’elle est simplement cadrée de dos face à sa vaisselle
- un karaoké de Diamonds (Rihanna) que l’on n’est pas près d’oublier
- la beauté de tous ces corps de filles qui se foutent sur la gueule, qui se défendent et se battent, et qui dansent, aussi
Chronique bourrée de vie et de talent de la banlieue au féminin.

LE 22 OCTOBRE 2014, FONCEZ !

-Daphné.

BROOKLYN, de PASCAL TESSAUD

ACID

Coralie s'évade de sa Suisse natale. Elle débarque à Paris pour tenter sa chance dans le rap. En attendant, elle trouve une place de cuisinière dans une association musicale à Saint-Denis. Elle y rencontre Issa, l'étoile montante de la ville...

Petit raccord-banlieue : j'ai fait un léger détour par Saint-Denis aux côtés de KT Gorique, qui incarne Brooklyn dans le film du même nom, création de Pascal Tessaud.

Rappeuse suisse de talent, la jeune fille évolue au coeur d'une petite association qui encourage les jeunes rappeurs du quartier. Musicalement jouissif, le film ancre de jolis personnages dont certains crèvent l'écran, malgré quelques petits défauts de jeu. Face à un éloge -ça ne fait aucun doute- à la mixité sociale et la créativité, on n'est pas inquiété par les clichés, on n'en a pas le temps, trop occupés à rire, à écouter les belles paroles, à caler son rythme sur les différents flows.

Je tire ma révérence à toute l'équipe qui s'est déplacée tout entière jusqu'à Cannes ; ils sont de ceux qui réalisent sans budget ni autorisation, sans exigences, écoutant simplement une énergie et une envie qui fait plaisir à voir. Merci à l'ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) d'avoir permis cette rencontre.
Cette année, il faut reconnaître que les héroïnes sont à l'honneur. Ça faisait longtemps qu'on les attendait. On espère les retrouver avec impatience.

-Daphné.

WHITE GOD (FEHÉR ISTEN), de KORNÉL MUNDRUCZÓ

Un certain regard


Prix Un certain regard

Un père (le magnifique Sandor Zsoter), également contrôleur des viandes dans les boucheries, récupère sa fille, très jeune, pour quelques temps. Celle-ci a, pour l’accompagner, un chien nommé Hagen. Dans leur immeuble, une voisine âgée et désagréable (l’excellente Lili Monori) leur précise qu’ils doivent payer une taxe avec un tel chien. C’est un bâtard. En Hongrie, ça n’est plus accepté...

Dans la rubrique "Films de filles", j'ajoute White God (Fehér Isten). L'histoire d'une petite Lili, hongroise de 13 ans, séparée de son chien Hagen. Cette fois-ci malheureusement, je n'ai pas accroché. Peut-être à cause de mon manque d'amour pour la race canine - je salue tout de même la performance d'acteur des chiens tout le long du film !

Fehér Isten est divisé en deux parties inégales, une première heure trop lente et sans grand rapport avec la deuxième, qui s'emballe au moment où on ne l'attendait plus.

Une fin que, de manière consensuelle, on a trouvée téléphonée. On regrette les faiblesses d'un scénario qui ne nous emporte pas. Estomacs sensibles à un excès de caméra portée s'abstenir.

-Daphné.

Disons-le d'emblée, ce film ressemble fort à une allégorie de l'insurrection et des révoltes voire même très directement des manifestations qui ont agité la Hongrie suite aux restrictions des libertés d'expression mises en place par le gouvernement. Une allégorie, certes, mais à la morale douteuse. Entre la citation d'ouverture et la conclusion du film, difficile de ne pas croire que le propos s'oriente vers une condescendance plus ou moins bienveillante faisant des insurgé-e-s de simples mal-aimé-e-s en quête d'un peu d'attention.

Pour illustrer son discours, Kornél Mundrunczó suis les péripéties d'un chien abandonné par le père de sa maîtresse dans dans Budapest. Tandis que cette dernière va le chercher, il va être poursuivit par la fourrière, capturé, revendu, entraîné aux combats de chiens illégaux puis enfin récupéré par la fourrière. S'achève ici la première partie du film où la jeune fille cherche son chien tandis que celui-ci subit des épreuves toujours plus terribles. On pense sans aucun doute à Lassie, chien fidèle ou Belle et Sébastien et l'on s'y ennuie, surpris simplement par l'escalade de cruauté que le chien subit. Quant à la réalisation, la caméra à l'épaule agitée est bien plus dynamique que ce qu'elle filme.

Lorsqu'enfin celui-ci se libère et se rebelle, entraînant à sa suite une cohorte de chiens sauvages qui s'en vont reprendre la ville et se venger violemment de tou-te-s celleux qui leur ont porté préjudice, le film rentre dans sa seconde partie, empruntant aux codes du revenge movie voire même aux premiers Romero, films de zombies à la critique sociale acerbe. Cette seconde moitié du film me semble bien plus réussie que la première, les scènes de rues et de charge de chiens sont impressionnantes, le propos franchement revanchard et les amateurs de gore peuvent y trouver leur compte sans que le reste du monde ne soit pour autant dégoûté.

Malheureusement, le concept n'est pas poussé au bout et la fin téléphonée tout au long du film a bel et bien lieu, ne surprend personne et déçoit profondément par son discours de charité conservatrice : donnez-leur un peu d'amour et les insurgé-e-s resteront gentiment à leur place sans s'attaquer à l'ordre social.

L.

LES COMBATTANTS, de THOMAS CAILLEY

Quinzaine des réalisateurs


Prix Label Europa Cinema, Art Cinema Award et SACD

Entre ses potes et l’entreprise familiale, l’été d'Arnaud s’annonce tranquille…Tranquille jusqu'à sa rencontre avec Madeleine, aussi belle que cassante, bloc de muscles tendus et de prophéties catastrophiques.
Il ne s’attend à rien; elle se prépare au pire.
Il se laisse porter, se marre souvent. Elle se bat, court, nage, s’affûte.
Jusqu'où la suivre alors qu'elle ne lui a rien demandé?
C’est une histoire d’amour. Ou une histoire de survie. Ou les deux.

Un beau premier film, une comédie revigorante, ça ne se refuse pas.
Moonrise kingdom dans un camp d’été de l’armée de terre, le film met en scène le parcours du combattant de deux jeunes gens qui se préparent à la survie en prévision de la fin du monde.

On admire l’étonnante capacité du cinéaste à transfigurer le réel à partir d’éléments simples : un incendie de forêt offre un décor de film apocalyptique, ouvre une autre dimension.

Les deux héros, rien que par leur façon d’être, interrogent des constructions de genre avec une grande finesse. Madeleine incarne une certaine idée de la masculinité, mais avec toutes les limites qu’elle comporte : impulsivité qui vire à la témérité, indépendance qui frôle l’égoïsme, ténacité qui se confond avec l’obstination.

On n’a donc pas affaire à un personnage caricatural de fille forte sans faille, qui brosserait le portrait de la fille idéale d’aujourd’hui comme celle qui se conformerait à une certaine conception de la masculinité. Ce qui nous ramènerait à une aporie, un autre enfermement.

Arnaud, lui aussi, est un héros tout en nuances, peut-être encore plus subtil. Candide et doux au début de l’intrigue, il fait preuve de plus en plus de force à partir du moment où il abandonne ses propres projets pour imiter celle qui le fascine. L’un sans l’autre, les personnages n’atteignent pas la richesse qui les caractérise ensemble. Comme l’a exprimé Thomas Cailley à l’issue du film, c’est l’histoire de deux personnages qui, à travers leur rencontre, deviennent l’un l’autre. Cette longue transformation opérée tout au long du film vient compliquer les questions de genre en apparence simples qu’il mettait en jeu dès l’introduction.

Un film d’initiation, mais pensé hors du cadre d’une indépendance autarcique, à deux.
Sortie nationale le 20 août 2014.

-Daphné.

Un jeune homme un peu banal, un peu macho, tombe sous le charme très virile d'une jeune femme survivaliste persuadée d'une fin du monde proche et souhaitant s'y préparer un maximum en intégrant le régiment des parachutistes. D'emblée les frontières du genre sont renversées sans qu'il ne s'agisse pourtant du sujet direct du film. C'est véritablement une histoire d'amour qui se construit sous nos yeux, avec sa retenue, sa tendresse et surtout pas de passion enflammée voulant convaincre le public par le seul énoncé de son existence, comme on le retrouve dans trop de films. On voit ici les personnages se rencontrer, se découvrir, apprendre l'un-e de l'autre sans se noyer dans une passion stérile. Sans chercher à définir un nouveau paradigme des genres, le réalisateur Thomas Cailley nous invite à en observer un nouvel équilibre.

Ce film, parfois très drôle, souvent très tendre malgré l'univers militaire qui l'entoure, est une véritable bouffée d'oxygène dans le monde des histoires d'amour invraisemblable auxquelles on cherche à tout prix à pouvoir s'identifier, faut de mieux, sans que jamais les enjeux véritables de la construction d'une relation ne soient montrés.

L.

THE DISAPPEARANCE OF ELEANOR RIGBY, de NED BENSON

Un certain regard

Les déboires d'un couple new-yorkais, un restaurateur et sa compagne qui décide de reprendre ses études. Un premier récit raconté à partir du point de vue du couple ("Them"), deux autres films devant suivre, "Him" et "Her", adoptant successivement le point de vue de chacun.

Le premier film de Ned Benson nous a laissées un peu perplexes. Un film romantique américain de plus, sans la pointe d'expérimentation qui pourrait le propulser au-dessus des autres.

"Un certain regard" : celui d'Hollywood. On attendait quelque chose de plus envolé, étonnant. La présence de James McAvoy, Jessica Chastain, Ciarán Hinds et Isabelle Huppert ne sauve pas le film, qui reste divertissant mais moins enrichissant que les autres propositions cannoises.

-Daphné.

SIDDHARTH, de RICHIE MEHTA

Écrans juniors

En envoyant Siddharth, son fils de 12 ans, travailler à Mumbaï, Mahendra son père, un maroquinier ambulant, est soulagé fiancièrement. Mais quand Siddharth ne rentre pas comme prévu, Mahendra part à sa recherche.

La caméra plonge dans les ruelles de Delhi, loin, loin de notre fauteuil rouge. On est rapidement happés par la beauté de la photographie et des couleurs indiennes. Dans un ballet d’images de rues, de la vie quotidienne, Richie Mehta suspend la course de Mahendra pour offrir au spectateur des séries de portraits captivants, renforcés par de beaux plans serrés, qui mêlent le documentaire à la fiction, assez loin de Bollywood.

On est surpris par un scénario qui choisit pourtant la seule voie qui s’impose.

Siddharth a été sélectionné par des adolescents entre 13 et 15 ans. Ne vous y laissez pas tromper…

-Daphné.

FOXCATCHER, de BENNETT MILLER

Sélection Officielle


Prix de la Mise en scène

John Du Pont, riche héritier américain, est un passionné de lutte, capricieux et excentrique. Il vit dans un luxueux manoir anglais en Pennsylvanie. Il rêve de monter une équipe de lutteurs qui représenterait les États-Unis aux Jeux Olympiques de 1988. Il a les moyens financiers d'y parvenir. Il paye alors au prix fort deux médaillés d'or fauchés, les frères Schultz.

Je ne sais pas ce que fait ce film en Sélection Officielle.

Foxcatcher est un biopic historique sur les frères Schultz, lutteurs professionnels. Mais, à la différence de nombreux films centrés autour d'un sport, il ne livre pas de clefs pour comprendre les enjeux de la lutte; on reste donc extérieur à chaque affrontement.

C'est le défaut du tout le film : le spectateur n'a aucune prise dessus. Les personnages restent opaques, on en sait très peu sur eux après 2h15 de film, sans pouvoir éprouver le plus petit attachement. Le qualifier de "drame psychologique" me paraît un bien grand mot pour un travail qui en paraît dépourvu. La monotonie du scénario est brisée à la toute fin par un coup de théâtre qui ne parvient pas à nous tirer de l'ennui. N'ayant pas la patience d'attendre jusque-là, une trentaine de spectateurs, dans les starting blocks pour sortir de la salle, se sont levés et sont partis au premier fondu au noir de la fin du film, alors qu'il n'était pas terminé. Malgré mon attachement pour Steve Carell, les thèmes rebattus et les clichés de la solitude des hautes classes et de la tragique quête de l'excellence m'ont fatiguée. La photographie est à l'image du scénario : elle n'invente rien.

Sortie nationale le 21 janvier 2015.

-Daphné.

LE MERAVIGLIE, de ALICE ROHRWACHER

Sélection Officielle


Grand Prix

Soit, quelque part au bord d'une mer turquoise entre Ombrie et Toscane, une ferme délabrée où vit une famille nombreuse. Le père, allemand, est un rude gaillard, échoué on ne sait comment en Italie pour y réaliser, suppose-t-on, quelque rêve post-libertaire et écologiste en devenant apiculteur. Composée de sa femme, d'une amie de la famille et de la malédiction de ses quatre filles qu'il adore, cette petite communauté familiale soumise au joug colérique de ce bon bougre trime pour gagner son pain.

Des phares dans la nuit, semblables à de grosses lucioles; une bande de chasseurs descend de voiture, et l'un d'eux s'étonne : cette maison qu'on distingue à peine, a-t-elle toujours été là ? Intriguée, la caméra y pénètre et découvre ses occupants, pour ne plus les quitter. Le spectateur entre, avec elle, dans Le Meraviglie, d'Alice Rohrwacher.

La photographie a le charme désuet du super 8, le grain gros, l'atmosphère intime des films de famille. Le père s'éveille avec le soleil, au milieu d'un lit posé en plein champ; un de ces instants de poésie dont le film est plein nous introduit au quotidien d'une famille d'apiculteurs italiens.

Tout est presque dit; Le Meraviglie, c'est l'utopie rurale d'un père un peu bourru, et la révolte silencieuse de sa fille aînée, Gelsomina, mûre et réservée. C'est aussi Monica Bellucci en reine étrusque et kitsch, présentatrice vieillissante d'une télé-réalité qui sent bon le terroir, un jeune allemand en réinsertion, et au milieu de tout cela, quelques pointes surréalistes, des abeilles sorties de la bouche de Gelsomina, et un chameau perdu en Ombrie, façon flamants roses de La Grande Bellezza.

Ces prodiges font en effet la grande beauté du film, qui excelle aussi dans le portrait sans angélisme de personnages entiers et touchants. Malgré quelques inégalités qui tiennent seulement à la grâce supérieure de certains plans, c'est une œuvre vraie, bourrée d'authenticité et de tendresse.

Sortie nationale le 8 octobre 2014.

-Chloé.

PIÙ BUIO DI MEZZANOTTE, de SEBASTIANO RISO

Semaine de la Critique

En compétition pour la caméra d’or, ce film est donc le premier long-métrage du réalisateur italien Sebastiano Riso.

On y suit l’histoire de Davide, adolescent androgyne de Catane. Cherchant à s’évader du milieu familial, il se rend régulièrement dans une zone de prostitution de la ville dans le but d’y côtoyer un groupe d’homosexuels, ce qui alimente la colère de son père, avec lequel il entretient des relations difficiles. Ehonté, celui-ci le maltraite devant sa mère, aussi moralement que physiquement impuissante, et pousse Davide à s’enfuir pour rejoindre définitivement ceux que la ville considère comme des parias. Imaginant alors une existence par laquelle il pourra enfin s’épanouir, il ne se rendra compte que trop violemment de la noirceur de cette vie de marginal.

Armé d’une esthétique solide et parfaitement adaptée au récit, le film nous plonge dans cet univers et nous permet de ressentir avec justesse son atmosphère sombre et glaciale, ou, plus rarement, festive et pleine d’espoir. Mais au-delà de la réalisation, le film est avant tout porté par la prouesse de ses acteurs, notamment Davide Capone, interprète du personnage principal. Le film nous expose le destin tragique de ce garçon beau et faible, dont le dénouement, fort et émotionnellement éprouvant, ne peut vraiment pas laisser indifférent.

-Nicolas.

GALORE, de RHYS GRAHAM

Cannes Antipodes

Billie et Laura, deux adolescentes de Canberra, se connaissent depuis toujours et partagent tout... Sauf le secret de Billie : elle est follement amoureuse de Danny, son meilleur ami d'enfance et le petit ami de Laura. Lors d'un été brûlant où les incendies menacent le bush avoisinant, musique, alcools forts, dérives nocturnes et trahisons mettent en péril leur amitié.

Ce film est certainement la preuve que la torture des interminables files d’attentes devant le Grand Palais ou la salle Debussy, le tumulte des scènes de ménage pour y trouver sa place, ou encore la gêne occasionnée par la présence de spectateurs incapables de se tenir lors d’une projection, ne sont pas des étapes nécessaires pour visionner de bons films au Festival de Cannes. En clair, vous l’aurez compris, ce film nous a beaucoup plu, mais il ne sera probablement pas sous le feu des projecteurs.

A première vue, on se dit qu’on nous présente encore une histoire sur les amours de jeunesse, et logiquement, vue la quantité de films sur le sujet, on se dit aussi qu’il faudrait un miracle pour que celui-ci soit original et novateur : force est de constater que ce terrain prospère a déjà été abondamment exploré par le cinéma, mais aussi toutes les autres formes d’art. Bref, une tâche difficile que celle de Galore, et pourtant, le cinéaste et ses jeunes acteurs parviennent à nous communiquer, sans retenue de la part de l’actrice Ashleigh Cummings, toute la chaleur du cadre ensoleillé dans lequel se déroule ce drame romantique, auquel on pourra toutefois reprocher un rythme parfois trop lent mais sans conséquence sur son déroulement.

Dès le départ, Billie nous annonce avec simplicité les évènements à venir, puis le récit évolue en nous laissant dans l’attente de ce dénouement sur fond de catastrophe naturelle, dont nous ne pouvons pas encore prédire l’impact que cela aura sur les personnages. Un film magnifique donc, exposant son propos avec peu de complexe et beaucoup de sincérité et de recul.

-Nicolas.

P'TIT QUINQUIN, de BRUNO DUMONT

Quinquinzaine des réalisateurs

« Dors min p’tit Quinquin, min p’tit pouchin, min gros rojin. Te m’fras du chagrin si te ne dors point ch’qu’à d’main ». Une enquête policière extravagante, improbable et burlesque autour d’étranges crimes aux abords d’un village côtier du Boulonnais, en proie au mal, et d’une bande de jeunes crapules menée par P’tit Quinquin et Ève, son amoureuse.

Boulogne-sur-mer en cinémascope, une lumière comme seul Bruno Dumont sait la capter, des meurtres en pagaille et La bête humaine de Zola. P'tit quinquin est une série télévisée devenue film en plusieurs volets, une enquête burlesque sur une série de crimes atroces et purgateurs commis dans la petite commune. Comme toujours chez Dumont, les acteurs sont d'authentiques gens du coin, l'accent fait décor, les tronches abondent. Les cadavres sont exquis et dignes de Rubens. Les tribulations de la gendarmerie nationale ordonnent un défilé de scènes cocasses, mais il reste des inflexions plus sombres, la peinture sans concession d'une communauté au cœur du mal – Joseph Conrad convoqué à côté de Zola : P'tit Quinquin sonde le fond de la nature humaine. L'humour est efficace, mais Dumont ne fait pas pour autant l'économie de détours vers des questions plus sensibles, vers le racisme, vers la religion. Le portrait décomplexé et sarcastique d'une société abîmée, carnaval aussi désopilant qu'inquiétant; une série qui devrait donc détonner à son passage sur Arte en Septembre.

-Chloé.

CANADA MORRISON (CIENCIAS NATURALES), de MATIAS LUCCHESI

Écrans Juniors

Lila, 12 ans, a grandi sans connaître son père. Interne dans un pensionnat isolé sur les flancs d'une montagne argentine, sa seule obsession est de le rencontrer. Après plusieurs tentatives de fugue, et contre l'avis de sa mère et de la principale du pensionnat, sa maîtresse décide de l'aider et de partir avec elle à sa recherche. Leur seul indice, une petite plaque en cuivre sur laquelle est inscrit le nom d'une compagnie d'électricité pour laquelle il aurait travaillé...

Ce film, court (1h11) et d'une grande sobriété, excelle en bien des points. L'intrigue est simple : une jeune fille part à la recherche de son père, qu'elle ne connaît pas. Pour autant, le traitement dramatique est impeccable : conduite comme une enquête policière, avec son lot d'indices, d'informateurs, et de fausses pistes, l'histoire se déroule sans pesanteurs, jusqu'au dénouement qui parvient, tout à la fois, à satisfaire pleinement d'un point de vue narratif et à nourrir une réflexion nuancée sur la question de la famille et des origines.

Servi par une photographie très réussie, le film tire grandement profit du jeu des deux actrices principales : Paula Galinelli Hertzog (déjà vue dans El premio de Paula Markovitch, 2011), qui interprète Lila, et Paola Barrientos, actrice argentine connue pour ses rôles au théâtre et dans des séries télévisées, qui incarne l'institutrice. Avec complicité et intimité, mais aussi beaucoup de justesse et de pudeur, leur jeu donne à voir des personnages, féminins en l'occurrence, à des moments clés de leur vie. Un film qui rappelle que dans la vie, le chemin est souvent plus important que l'arrivée. À voir absolument.

Sortie nationale le 3 septembre 2014.

-Bélinda.

WHIPLASH, de DAMIEN CHAZELLE

Quinzaine des réalisateurs

Andrew entre dans le meilleur conservatoire des États-Unis d'Amérique et entend bien devenir l'un des plus grands batteurs de sa génération. Sur son chemin, se dresse un professeur aux méthodes tyranniques et honteuses...

Acclamé par le jury et le public au dernier festival de Sundance, le film de Damien Chazelle témoigne d'une rare puissance. Servi par une bande son impeccable et une force rythmique impressionnante, il parvient à mettre en image l'effort acharné dont naît la musique et se nourrit la virtuosité. La photographie, aiguisée, et le montage, percutant, participent de cette narration haletante qui sait allier tension dramatique et soupirs humoristiques.

L'interprétation des deux acteurs principaux, Miles Teller (lui-même musicien) et Jonathan K. Simmons, est juste mais s'efface derrière le travail de cadrage et de réalisation. Enfin, la dernière scène est à couper le souffle : nombreux sont les spectateurs – et j'en fais partie – à avoir peiné pour se relever et quitter leur siège.

Pour autant, un bémol demeure. Si l'invitation au dépassement de soi et la recherche de l'excellence sont clairement au programme, les méthodes à employer laissent une note amère. Sacrifices extrêmes et humiliations sont-ils indispensables ?

Sortie nationale le 24 décembre 2014.

-Bélinda.