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Ne me libérez pas, je m'en charge, de Fabienne Godet, en présence de la réalisatrice

Le ciné-club accueille mardi un évènement exceptionnel avec la venue de l'équipe du film NE ME LIBEREZ PAS JE M'EN CHARGE. Le film, sorti en 2008, raconte l'histoire de Michel Vaujour.

Ancien braqueur fiché au grand banditisme, Michel Vaujour a toujours préféré la fuite à la prison, l'aventure à la soumission, la liberté à la loi. En l'espace de 30 ans, il aura passé 27 ans en prison - dont 17 en cellule d'isolement - et sera parvenu à s'en échapper à cinq reprises avant d'obtenir une libération conditionnelle en 2003. Si cette vie trépidante l'a souvent exposé au pire, elle l'a aussi confronté à un incroyable face-à-face avec lui-même. 

La réalisatrice, Fabienne Godet, ainsi que Michel Vaujour répondront à vos questions après le film. 

La bande annonce du film vous en dira plus. Et n'hésitez pas à lire les nombreuses critiques sur le film (, et par exemple) pour achever de vous convaincre !

Le synopsis de Fleurs d'équinoxe

Un nouveau chef d'oeuvre de Marie :
Fleurs d’Equinoxe (Higanbana), 1958, Yasujirô Ozu
Scénario : Kogô Noda et Yasujirô Ozu d'après le roman de Ton Satomi.
Avec : Shin Saburi (Wataru Hirayama), Kinuyo Tanaka (Kyioko), Ineko Arima (Setsuko), Miyuki Kiwano (Hisako), Chishû Ryû (Shukichi Mikamu), Yoshiko Kuga (Fumiko). 2h00.

Premier film en couleur
Fleurs d’Equinoxe est un film clef dans la filmographie d’Ozu. D’abord, parce qu’il accepte enfin de tourner en couleur, alors qu’il annonçait douze auparavant que « La couleur ça va de temps à autres, mais si vous ne voyez que cela, c’est comme ne manger que du tendon (crevettes ou poissons fris, et riz), au bout d’un moment vous en avez assez » (Ozu adore les métaphores culinaires !). Il utilise même ce nouveau procédé technique admirablement au service de son propre style, puisqu’il s’intéressait déjà auparavant « aux tons et à l’atmosphère », ainsi qu’aux détails (aux coloris) du décor (la théière rouge !). Il inaugure ainsi le cycle de la demi-douzaine de films en couleur qui achèvent en apothéose la carrière d’Ozu et sont communément considérés comme ses chefs d’œuvre (Bonjour, Fin d’automne, Dernier Caprice, le Goût du Saké…).
On observe en outre une évolution au niveau du traitement du sujet. Comme dans ses films précédents (du moins à partir de Printemps tardif, 1949), Ozu traite de la famille japonaise, la critique sans la dénoncer. Mais si dans certains films précédents, il s’intéressait à des jeunes filles plus ou moins en révolte, et se considéraient d’une manière général plus proche des enfants et/ou des jeunes mariés, et ce avec souvent un point de vue quelque peu mélodramatique (comme dans Crépuscule à Tokyo de 1957), ici Ozu se revendique « plus proche des parents » : il choisit de traiter avec simplicité et distanciation les contradictions internes à un père de famille japonais, entre tradition et modernité, entre ouverture d’esprit et autoritarisme.
Carrière d’Ozu

Né en 1903, Ozu découvre le cinéma avec Chaplin, Murnau et surtout, Lubitsch. Il réalise son premier film en 1927 (Sabre de pénitence), sur lequel il collabore pour la première fois avec son scénariste de toujours, Kôgo Noda. Ses premiers films sont fortement marqués par les influences occidentales et le modèle américain (le film noir, le film de gangaster, comédie de mœurs).
Mais au fil des années, son style s’affine et devient de plus en plus nippon. Il adopte la caméra basse à hauteur d’homme (plan tatami), les décors traditionnels, le fondus et les faux raccords, et renoncent aux mouvements d’appareils – dans Gosses de Tokyo (1932) par exemple. Ses thèmes se réduisent également et se concentrent sur la famille, les conflits de générations, la nostalgie, et plus généralement sur tous les éléments de la société japonaise et de la vie quotidienne nippone : l’école, la maison, le bureau.
Yasujirô Ozu meurt en 1963 le jour de ses 60 ans quelques mois après la sortie de son dernier film Le goût du saké. Cinéaste de la famille, Ozu ne se maria peut-être jamais, mais il mena une vie aussi simple que ses personnages.
L’histoire
Wataru Hirayama est cadre supérieur, vieillissant, et père de famille plein de contradictions. Il soutient en apparence les mariages d’amour, se veut « moderne » mais interdit à sa fille Setsuko d’épouser l’homme qu’elle aime, Masahiko Taniguchi (scandalisé que la demande en mariage n’ait pas été faite dans les règles). Mais Setsuko tient tête à son père : « Je ne peux donc pas vivre heureuse ?...Je réussirai à vivre heureuse ! ». Chacun des partis s’entête dans sa position, mais la situation est finalement dénouée d’une part par les conseils des rieurs amis d’Hirayama, et par la ruse d’une chipie amie de Setsuko, Yukiko, deux agents qui désamorcent le potentiel tragique et mélodramatique de la situation, et qui mettent le père de famille devant ses contradictions, l’obligeant à accepter la modernité dans sa propre famille.

On voit donc que ce film traite du sujet favori d’Ozu : la famille japonaise, aux prises – mais sans violence car le cinéma d’Ozu est douceur, coulée, simplicité et délicatesse – avec la modernisation et la mutation de la société, le problème de l’obéissance dûe aux parents…
« Exactement comme un peintre qui s’évertue à dessiner la même rose ».
C’est ainsi que se définit lui-même Ozu en 1962. Il a trouvé son sujet, et le traite et le retraite inlassablement dans tous ses films, il en explore toutes les facettes, sans jamais pour autant faire le même film, chacun constituant une entité délicieuse.
De fait, dans les derniers films d’Ozu, il s’agit presque toujours de mariage, mariage d’amour ou mariage arrangé ? Avec qui se marier ? Se marier ou rester avec ses parents ? Se remarier ou se consacrer à ses enfants ? On a aussi des personnages récurrents, principaux ou secondaires : la jeune fille opposée à son vieux père, mais aussi : la cousine désagréable, le collègue de bureau rigolo, l’employé à la retraite qui noie son chagrin dans le saké… – et leurs noms varient peut-être autant que le célèbre fond de jute du générique !
Et de fait Ozu tournait chaque nouveau film en continuation ou réaction du précédent, comme le montrent les notes de Koga Noda. Et en même temps, il y a toujours une possibilité de surprise, qu’Ozu nous ménage par la construction elliptique de son récit, en particulier via le faux-raccord.
Humour et Ironie
Ozu a toujours un regard ironique et amusé sur l’existence, la société et ses contradictions. Le traitement de ces thèmes potentiellement dramatiques se fait toujours sur le mode de l’humour, et de la distanciation. On a par exemple dans Fleurs d’Equinoxe la scène introductive dans la gare qui permet d’introduire le thème du film (le mariage) avec distanciation et humour. Les dialogues sont souvent drôles : Ozu recourt souvent à des remarques décalées, des affirmations mal interprétées, ou à des situations triangulaire où deux personnes se moquent d’une tierce personne qui ne comprend pas (« toutes des filles je suppose ? » demande-t-on d’un ton moqueur à une mère de famille un peu forte).
L’image-temps
Ozu est l’un des premiers cinéastes que Deleuze analyse dans l’Image-temps. Il considère en effet que, sans qu’il y ait influence ni d’une part ni de l’autre, on peut considérer Ozu comme un cinéaste néo-réaliste dans le sens où il s’attache à rendre des situations optiques et sonores pures.
De fait, en dépit des intrigues qui s’attachent toujours aux temps forts d’une vie, on ne distingue jamais de temps-forts à proprement parler qui s’opposeraient à des temps-faibles dans les films d’Ozu, toutes les situations se succèdent uniformément et passent, y compris les célèbres scènes de larmes (comme ici celles du père après le mariage de sa fille). Pour Ozu, la vie est simple et l'homme ne cesse de la compliquer en "agitant l'eau dormante". En dépit de l’agitation provoquée par le heurt entre l’ordinaire américain et l’ordinaire japonais, les quelques plans fixes sur la splendeur de la Nature (comme ici lors de la journée en famille à la campagne) viennent restituer la quotidienneté, la régularité, l’immuabilité d’une vie un temps bouleversé par un conflit, un mariage, une mort. Les personnages et l’histoire trouvent l’apaisement dans la contemplation de la Nature.
Mais Ozu s’applique également à contempler en plan-fixe les lieux anonymes de Tokyo, déconnectés, autonomes du reste du film, vides de personnages ou de mouvements – ainsi que des intérieurs de maison – ou des objets, des natures mortes (théière, pot de fleurs). « Les espaces d’Ozu sont élevés à l’état d’espaces quelconques, soit par déconnection, soit par vacuité ». Ces plans, ces espaces vides, « atteignent l’absolu comme contemplations pures », nous montrent « un peu de temps à l’état-pur ». Il s’agit de « montrer la forme immuable de ce qui se meut ». On atteint alors « une image-temps directe, qui donne à ce qui change la forme immuable dans laquelle se produit le changement », « la nature morte est le temps, car tout ce qui change est dans le temps, mais le temps ne change pas lui-même » - c’est-à-dire des « images pures et directes du temps ».

Reconnaissance posthume
Le public français ne découvre Ozu qu'en 1978, avec Le Voyage à Tokyo, qui a un retentissement considérable. Ozu devient alors un réalisateur aussi apprécié que Kurosawa ou Mizoguchi. Dans les années 1980, sortent Le Goût du saké, Dernier caprice (1961) ou Herbes flottantes (1959).
Ozu a influencé de nombreux cinéastes d'aujourd'hui comme Wim Wenders, Aki Kaurismaki, Paul Schrader ou Hou Hsiao-hsien.
Marie Pierre
Sources :
Ozu, Donald Richie, éditions Lettre du blanc, 1980
Gilles Deleuze, L’image-Temps, chapitre 1, 2e paragraphe, 1985
Livret de Kiju Yoshida du Coffret arte-video de « Cinq films en couleur d’Ozu »
Ciné-club de Caen

Fleurs d'équinoxe

Bonjour à tous,
après les nombreuses et intéressantes projections de la semaine de la francophonie (la dernière demain soir, Polytechnique du québécois Denis Villeneuve), voici le grand retour du ciné-club. Et pour annoncer un printemps de cinéma à l'ENS, un film lumineux et tout en couleurs, une analyse rigoureuse et émouvante de la société japonaise, Fleurs D'Equinoxe de Yasujiro Ozu. Ce film est d'ailleurs le premier film en couleurs du maître japonais.
Avec Kurosawa et Mizoguchi, Ozu est l'un des trois monstres sacrés qui (bien qu'extrêmement différents) ont fait connaître le cinéma japonais au monde entier. A partir d'histoires extrêmement simples, Ozu consacre ses films à dresser des portraits de personnages représentant leur époque. Avec pudeur et retenue, mais aussi une grande générosité, il nous fait partager leurs vies et leurs émotions. Sa façon de filmer place le spectateur en invité de ces vies, en observateur privilégié.
L'histoire de Fleurs d'Equinoxe est également très simple:
L'homme d'affaires Hirayama se montre fort réticent lorsqu'il apprend que sa fille Setsuko veut épouser un gendre qu'il n'avait pas envisagé. Elle organise le mariage sans son aide et c'est contre sa volonté qu'il y assiste. Le couple part ensuite pour Hiroshima. Poussé par ses amis, Hirayama surmonte ses convictions et va leur rendre visite.
un petit extrait ici
Un film à ne pas rater, pour découvrir ou redécouvrir un des grands maîtres du 7eme art.
A mardi!

Lettre d'une inconnue - le synopsis

Bonjour à tous,
grande nouvelle : la salle dussane est entrée dans le 21ème siècle. On espère que ça sera un nouveau départ pour le cinéma à l'ENS en général et le ciné-club en particulier. Pour bien démarrer, un chef d'oeuvre hollywoodien : Lettre d'une inconnue de Max Ophuls, dont voici le synopsis par Marie:



Vienne, 1900
Nous voilà dès l’abord plongé dans cette atmosphère belle-époque et germanique, nostalgique et romantique, que Max Ophuls aimait tant. C’est la période chérie de Max Ophuls, et on peut dire qu’il la rend à merveille. On la retrouvera après guerre dans la Vienne de La Ronde (1950), merveilleuse fantaisie théâtrale et amoureuse avec Gérard Philippe, Danielle Darrieux, et Simone Signoret, adaptée du dramaturge viennois Schnitzler, puis dans l’enchanteur triptyque adapté de nouvelles de Montpassant, le Plaisir (1952) – avec en particulier l’inoubliable Maison Tellier (avec Danielle Darrieux en prostituée rêveuse, Madeleine Renaud en souteneuse dynamique, et (last but not least !) Jean Gabin en rustre au grand cœur), qui se déroule cette fois-ci dans une belle-époque bien française ! C’est de fait une période qu’il représente dès 1933, dans Liebelei, également adaptée de Schnitzler.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce film, son premier film reconnu en France comme en Allemagne, est une adaptation d’une pièce de théâtre – de fait, les liens avec le théâtre, et la réflexion sur l’illusion, seront toujours très prégnants dans le cinéma d’Ophuls, dans le maniement même qu’il a de la caméra (mais nous y reviendrons). En effet, Max Ophuls, bien qu’il soit né Oppenheimer dans une grande famille d’industriels sarrois en 1902, est passé par le théâtre (acteur, critique, metteur en scène), et n’aborde le cinéma qu’avec le parlant.
"Quand vous lirez cette lettre, je serai peut-être déjà morte"
Un pianiste sur le retour reçoit une lettre. La lettre d’une femme inconnue, qui lui révèle l’amour qu’elle lui a porté pendant toute sa vie, depuis sa prime adolescence et jusqu’à sa mort, sans qu’il en sache rien, mise à part quelques rencontres fortuites et passagères, que lui, l’homme à femmes, a presque immédiatement oubliées.
C’est un récit de vie, auquel nous assistons, délicat et tragique. Le récit d’un amour puissant, absolu, et sacrificiel. C’est le portrait d’une femme sublime (incarnée par une non moins sublime Joan Fontaine ! qu’il faut aller absolument revoir dans Rebecca de Hitchcock !), une femme amoureuse – d’un amour sans espoir. Lisa, c’est la gravité, la dévotion. Mais c’est avec non moins d’intensité et de profondeur qu’est dépeinte, à travers à la fois le récit de Lisa, l’œil de la caméra, et la perception de Stefan de sa propre vie, la frivolité du pianiste, sa futilité tragique – puisqu’il néglige à la fois son talent et ses femmes, et vieillit dans une solitude sans mémoire. Toutes les femmes se mélangent dans ses souvenirs, et il ne peut se rappeler celle qui l’a aimé comme personne, celle qui a donné sens, forme et fin à sa vie, sans qu’il le sache, celle qui est capable de raconter sa vie mieux que lui-même, à travers sa propre vie et l’amour immense qu’elle a eu pour lui.
Adaptation hollywoodienne de Zweig ou manifeste ophulsien ?
L’histoire, bien sûr, est adaptée d’une nouvelle de Stefan Zweig publiée en 1927. D’aucuns reprocheront à cette adaptation son manque d’audace. De fait, l’œuvre de Zweig joue beaucoup plus avec la temporalité, le récit n’est pas linéaire, comme dans le film où l’on va de l’enfance à la mort, avec quelques va-et-vient avec le moment où le pianiste lit la lettre. On est donc en présence d’un flash-back des plus classiques, suscité par une lettre (l’écrit à l’origine de l’image…). La nouvelle est peut-être, vue sous cet angle, plus poignante, moins conventionnelle. De fait, Lettre d’une inconnue, a été tournée à Hollywood, en 1948. Ceci explique peut-être sa facture assez classique et peu audacieuse – par opposition à la fantaisie (emprunte également d’un certain classicisme formel) de la Ronde ou du Plaisir, films qu’il tournera à son retour en France en 1950 (avec ensuite Madame de… d’après Louis de Vilmorin, et Lola Montès) et qui feront de lui l’une des grandes références de l’équipe des Cahiers du Cinéma et de la Nouvelle Vague : Lola de Jacques Demy, pour ne citer que lui, est un hommage à Max Ophuls, et en particulier à la Ronde, et à sa série de rencontres et coïncidences, qui relie et enchaîne tous les personnage entre eux.

Mais avant cela, l’avènement du nazisme a en effet forcé Max Ophuls à fuir l’Allemagne en 1933. Après s’être réfugié en France, où il tourne quelques films (Yoshiwara, La Tendre Ennemie, Le Roman de Werther, de Mayerling à Sarajevo), l’armistice de 1940 l’oblige à nouveau à s’exiler : il quitte la France pour les Etats-Unis. Après une longue période d’inactivité, Max Ophuls sort en 1948 Lettre d’une inconnue, sa « Liebelei américaine », avant de réaliser Caught avec James Mason, plus typiquement hollywoodien, mélodramatique, mais également vaguement wellesien.
Et c’est pourtant semble-t-il dans ce contexte hollywoodien qu’Ophuls donne la pleine mesure de son talent. Tout d’abord, il y a aborde un thème qui lui est cher : celui des femmes donc l’amour et la vie ont été brisés par une société insensible, dominée par une étiquette implacable et une apparente bienséance, qu’il avait déjà traité dans Libelei, et qu’il retrouvera dans Lola Montes (1955), sa dernière œuvre, film flamboyant avec une magnifique Martine Carol, mais bide commercial, ainsi que dans Madame de… (1953) avec une lumineuse Danielle Darrieux en femme du monde amoureuse, et un splendide Vittorio de Sica en galant italien, mais aussi dans la troisième partie du Plaisir (Le Modèle), où il est également question d’une femme (et de deux vies) brisées par une déception amoureuse.
Dans ce film, donc, Max Ophuls parvient déjà à déployer la virtuosité technique qui lui sera caractéristique dans ces derniers films français. Comme l’écrit Jacques Lourcelles dans son Dictionnaire du Cinéma : « La caméra ophulsienne se promène dans les couloirs des maisons, remonte les escaliers, longe les quais des gares, passe d'un personnage à l'autre avec autant de virtuosité que de naturel. C'est le triomphe de ce baroque fluide qui capte et communique au public les émotions les plus intimes des personnages à partir de leurs évolutions et de leurs déplacements dans l'espace. » La caméra d’Ophuls est toute en mouvement, en souplesse. Elle cherche à capter le mouvement, car elle cherche à capter la vie, car, comme le dira Lola dans Lola Montès, « la vie, pour moi, c’est le mouvement ». Que l’on pense à la ronde des amours changeants de la Ronde. Que l’on pense également à l’admirable plan-séquence en traveling à travers la fête endiablée du Masque qui ouvre le Plaisir. Mais la mobilité de la caméra, c’est aussi une façon de démasquer l’illusion cinématographique, de montrer que le cadre n’est qu’un regard parmi d’autre. C’est ce que mettra en évidence un autre traveling, celui qui vient présenter la Maison Tellier de l’extérieur, depuis les fenêtres, et vient illustrer visuellement le concept de « Maison Close », car jamais la caméra, regard extérieur, ne pénètrera dans les murs de cette fascinante demeure.

Mais surtout, son usage mobile de la caméra, du traveling, mais également sa façon de cadrer puis de monter, vient admirablement nous montrer à l’écran le passage du temps. Et a fortiori dans un film où l’on va et vient entre présent de la lecture et passé raconté dans la lettre ! Par exemple, dans un des derniers plans du film, Max Ophuls cadre la porte d’entrée de l’immeuble, et, avant même que le pianiste ne se souvienne réellement de la petite adolescente qui lui tenait la porte une quinzaine d’années plus tôt, le spectateur a la mémoire visuelle de cet instant : le plan est le même, le cadre est le même qu’au début du film. Ainsi, avec une simplicité virtuose, Max Ophuls parvient à faire voir simultanément à l’écran deux temps différents, c’est-à-dire à rendre d’une part le phénomène de la mémoire involontaire, et d’autre part à montre le temps dans l’image – et montrer le temps qui a passé en une seule image, n’est-ce pas une façon en même temps de dépeindre dans cette même image, deux vies qui ont passé, l’illusion de la frivolité de l’un et de l’amour de l’autre, deux vies écoulées qui n’en font qu’une, aussi belles et vaines l’une que l’autre.
Mon dernier exemple sera emprunté à Jacques Lourcelles, et je lui laisserai le mot de la fin : « Voir le superbe fondu entre le plan de Lisa s'éloignant de dos hors de la gare (où elle vient de quitter Stefan) et celui de la religieuse s'avançant face à la caméra vers le lit d'où Lisa a accouché. Par une telle liaison enter deux séquences, à la fois simple, bouleversante et inattendue Ophuls révèle comme tout grand metteur en scène sa nature de démiurge, son aptitude à être, dans son récit le maître du temps aussi bien que des émotions du spectateur. »
Marie Pierre

Lettre d'une inconnue

Bonjour à tous,
C'est dans une salle Dussane du dernier cri (enfin on espère!) que se déroulera la prochaine séance de votre ciné-club préféré, Lettre d'une inconnue, de Max Ophuls. Le film est probablement le plus reconnu et remarquable que ce cinéaste d'origine allemande réalisa aux Etats-unis (à l'image de Douglas Sirk ou encore Fritz Lang, il a fui l'Allemagne nazie), avant une fin de carrière en France marquée par de nombreux chefs-d'oeuvre admirés de la nouvelle-vague (La Ronde, Le Plaisir, Madame de... et Lola Montès, ressorti en 2008). Son fils Marcel fut d'ailleurs un des plus grands documentaristes français.
Adapté (avec des libertés) d'une nouvelle de Stefan Zweig (dont la trajectoire, parallèle à celle de Max Ophuls prit fin 6 ans avant la sortie du film), le film raconte, à travers une lettre reçue par un célèbre pianiste vieillissant, l'amour qu'une jeune femme inconnue lui porta secrètement. Elle évoque les rares étreintes que ce volage amant voulut bien lui accorder...
Michel Ciment qui devait venir présenter le film ne sera malheureusement pas là, mais venez nombreux pour ce grand classique!
A mardi (prochain)