Attention !

Ce site n'est plus mis à jour !
Merci de vous rendre sur notre nouveau site :
http://www.cineclub.ens.fr

Private session


Petit retour en arrière, juste pour le plaisir :
Au lendemain de la projection de La Fièvre dans le Sang...

SARAH : - Coucou;
Pour tous ceux qui ressentiraient encore une petite pincée de frustration par rapport au chef d'œuvre d'hier soir, j'ai appris que les deux acteurs principaux avaient finalement accompli dans la vie ce qu'ils n'avaient pas pu faire dans le film...

ARTHUR : - Oui, en même temps Warren Beatty a couché avec toutes les actrices d'Hollywood (si si, c'est vrai!).

SARAH : - ça se voyait un peu il a du mal à pas surjouer la frustration aussi..
sacré Warren

ARTHUR : -Hehe, oui, dans le genre de taper son poing contre sa paume, de mordre sa main, de lever la tête au ciel en clignant des yeux, la bouche mi-ouverte... Mais en même temps je le trouve très bon, vraiment, sur tout le long du film, notamment car certaines attitudes, certains gestes (cela vient-il de Kazan ou des acteurs eux-même?) prennent du sens par la suite. Par exemple, il y a une scène que j'adore, vraiment géniale, qui n'a à priori pas de sens véritable au moment où elle se produit, qui est une scène qui serait difficilement explicable en purs termes rationnels dans la logique du récit : vers le début du film, quand on voit pour la première fois Deanie et Bud dans les couloirs du lycée, au moment où Bud laisse Deanie qui va entrer dans sa classe il s'éloigne de quelques pas puis se retourne et lui adresse un signe de la main pour qu'elle s'approche de lui, ce qu'elle fait avec un peu de mal car d'autres élèves passent entre eux (et ce sentiment est appuyé par la caméra qui a ce moment-là suit Deanie en travelling avant); mais une fois devant elle, Bud ne lui dit rien, il la regarde simplement et semble acquiescer de la tête (?) puis s'en va à nouveau. Cette scène (ou plutôt ce bout de scène) on peut tenter de la comprendre une fois le film finit et encore là, on peut lui attribuer des sens différents. Si elle ne semble pas nous dire grand chose à la faveur de la logique du récit, elle sert les acteurs, nous fait comprendre peut-être une espèce de retenue, de frustration. Mais au-delà de ça, ce qui est extraordinaire c'est qu'elle passe très bien, disons qu'elle n'est pas gênante et ne nous choque pas forcément sur le moment, alors que dans ce cadre parfaitement réaliste elle ne semble pas très habituelle, presque pas réelle, comme une sorte de moment poétique où le temps se suspend (sentiment également renforcé par le fait que le mouvement de Deanie vers Bud s'oppose au mouvement général de l'intérieur du plan, qui est celui des élèves entrant en classe... bref, du grand romantisme!); et cela s'intègre parfaitement car c'est réalisé avec finesse. Quant à la dernière scène, où tout les acteurs sont magnifiques (vraiment, dans tous les sens du terme) je crois que quelque chose de cet ordre-là passe également : avant qu'elle n'entre dans la voiture avec ses amies fraîchement retrouvées, Bud rappelle d'ailleurs une dernière fois Deanie, renvoyant à ce plan au lycée. Cette dernière scène est vraiment incroyable, mélancolique et très simple (j'adore le jeu de Zohra Lampert, dans le rôle de la femme de Bud, lorsqu'elle le regarde sur le porche). Mais, pour revenir au jeu de Warren Beatty, ce n'est pas anodin de prendre en considération le fait que ce soit Kazan derrière la caméra, lui qui fut l'un des meilleurs directeurs d'acteurs qu'Hollywood (et le cinéma et le théâtre en général) ait connu. Même si Beatty est bien différent de Dean et Brando par exemple (eux-même dissemblables), certains éléments les rapprochent (outre le fait d'avoir tous les trois tourné avec Kazan, sous influence de la Méthode), notamment au niveau de la gestuelle, parfois détachée de toute vraisemblance psychologique (alors que la vérité, psychologique, était l'un des fondements de la Méthode) : et là où ils se rejoignent et où ils s'approchent également de la démarche de Kazan dans ce film est en ceci que sous couvert de certaines mimiques et gestuelles inhabituelles (le style Actor's Studio, révolutionnaire à l'époque, délaissait bon nombre de conventions liées au jeu de l'acteur, notamment la tradition classique "style Laurence Olivier") et en tout cas invraisemblables où hors normes ils atteignaient une vérité; tout comme Kazan qui dans ce film use de certains artifices (à commencer par la couleur flamboyante, ou des mouvements de caméra ne cherchant pas à s'effacer) pour atteindre paradoxalement la vérité... Et c'est l'une des plus grandes qualités du cinéma américain que d'avoir toujours su réunir la vérité et le spectacle.
J'arrête ici mon monologue qui a quand même été inspiré par ta simple phrase Sarah! Mais bon, ça peut ouvrir une tribune si des gens ont des choses à dire sur le film (d'autant plus que tout le monde n'a pas aimé!). Comme j'ai beaucoup parlé et qu'en écrivant j'ai repensé à ce beau texte de Truffaut, je cite un passage de ce qu'il écrivit sur James Dean six mois après sa mort : "Le jeu de James Dean contredit cinquante ans de cinéma, chaque geste, chaque attitude, chaque mimique sont une gifle à la tradition psychologique. James Dean ne met pas "en valeur" son texte avec force sous-entendus comme Edwige Feuillère, il ne le poétise pas comme Gérard Philipe, il ne joue pas au plus malin avec lui comme Pierre Fresnay, il n'est pas soucieux, contrairement aux comédiens que je viens de citer, de montrer qu'il comprend parfaitement ce qu'il dit et mieux que vous, il joue "autre chose" (en italique dans le texte) que ce qu'il prononce, il joue "à côté" (idem) de la scène, son regard ne suit pas sa conversation, il "décale" l'expression et la chose exprimée comme, par sublime pudeur, un grand esprit prononcera de fortes paroles sur un ton humble comme pour s'excuser d'avoir du génie, pour ne pas en importuner autrui. (...) James Dean est "à côté" de tout, l'essence de son jeu est telle que le courage ou la lâcheté n'y ont aucune part, non plus que l'héroïsme ou la peur. Il s'agit d' "autre chose", d'un jeu poétique qui autorise toutes les libertés et même les encourage. Jouer juste ou jouer faux, ces deux expressions n'ont plus de sens avec Dean puisqu'on attend de lui une surprise de tous les instants, il peut rire là où un autre acteur pleurerait et inversement puisqu'il a tué la psychologie le jour même où il est apparu sur une scène."

SARAH : -magnifique citation de Truffaut, Arthur ravie de voir quelle source d'inspiration ma prose est pour ta plume, le coup de la scène de fin qui fait écho à cette scène dans le couloir je l'avais pas vu (ou alors très inconsciemment) ce film était vraiment superbe, j'y ai repensé ce soir pendant la projection de Malcolm X; qui s'inspire à mort au début de l'ambiance Kazan!!sur ce bonne nuit!ps: j'ai checké la lovelife de Beaty, il s'est tapé Natalie Wood mais aussi sa soeur ce qui est un peu sale selon moi, mais nous en reparlerons